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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/292

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table des gens du monde. — On vient de me faire acheter il Mese di Maria, petit livre fort répandu qui indique le ton de la dévotion à Rome. Ce sont des instructions pour chaque journée du mois de Marie, avec pratiques et oraisons, lesquelles sont appelées fleurs, guirlandes et couronnes spirituelles. « Qui peut douter que la bienheureuse Vierge, qui est si libérale, si magnanime, ne doive pas, entre tant de couronnes de gloire qui sont à sa disposition, en conserver une pour celui qui avec une constance infatigable se sera employé à lui offrir lesdites couronnes ? » Suivent des petits vers et trente histoires à l’appui. « Un jeune homme nommé Esquilio, qui n’avait pas plus de douze ans, menait une vie très scélérate et très impure. Dieu, qui voulait l’amener à soi, le fît tomber gravement malade, tellement que, désespérant de sa vie, d’heure en heure il attendait la mort. Comme il avait perdu le sentiment et qu’on le croyait trépassé, il fut conduit dans une chambre pleine de feu, et, cherchant à fuir les flammes, il vit une porte par laquelle, s’étant acheminé, il entra dans la salle, où il trouva la reine du ciel avec beaucoup de saints qui lui faisaient cortège. Esquilio se jeta tout d’un coup à ses pieds ; mais avec des yeux sévères elle le repoussa loin d’elle, et ordonna que de nouveau il fût mené au feu. Le malheureux implora les saints, et ceux-ci eurent de Marie cette réponse, qu’Esquilio était un grand scélérat, et qu’il n’avait pas même récité un Ave Maria. Les saints s’interposèrent de nouveau, disant qu’il avait changé de conduite, et cependant Esquilio, plein d’une grande terreur, promettait de se donner tout entier à l’Esprit et de le servir tant qu’il vivrait. Alors la Vierge, lui ayant fait une sévère réprimande, l’exhorta à racheter ses péchés par la pénitence, à garder sa promesse, et révoqua l’ordre qu’elle avait donné de le jeter dans le feu. » — Deux jeunes gens se promenaient en bateau sur le Pô ; l’un d’eux récite l’office de la madone, l’autre refuse, disant que c’est jour de congé. La barque chavire, et tous deux invoquent la Vierge ; elle arrive, prend par la main le premier et dit à l’autre : « Puisque tu ne t’es point cru obligé à m’honorer, je ne suis pas obligée à te sauver, » et il se noie. — Un jeune libertin avait dérobé une des plumes avec lesquelles on inscrivait sur le registre les noms des fidèles qui s’affiliaient à la congrégation de Marie ; il prend cette plume pour écrire un billet doux, et reçoit sur la joue un grand soufflet, sans voir la main qui l’a frappé. En même temps il entend ces paroles : « Scélérat, as-tu bien l’audace de souiller une chose qui m’est consacrée ? » Il tombe à terre, et sa joue reste meurtrie pendant plusieurs jours. — J’en passe, et d’aussi étranges. Ce sont de pareils récits qui nourrissent ici l’esprit des femmes, même des grandes dames ; on leur conte que lorsque sainte Thérèse, interrompant une lettre, s’en allait dans le jardin,