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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/34

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point Paula qu’elle se mit à fondre en larmes ; elle pleurait et priait en même temps. » Une visite au tombeau d’Elisée l’enleva à ces tristes impressions. Elle voulut aussi gravir à pied la montagne où s’étaient cachés, dans, deux grandes cavernes, les cent prophètes fidèles que Jézabel poursuivait, et qu’Abdias nourrit et sauva.

La caravane avait hâte de quitter cet épouvantable lieu ; elle reprit son voyage vers le vallon calme et fleuri de Nazareth, « la nourricière du Christ, » comme disait Jérôme. Le savant Dalmate expliqua peut-être à ses compagnons, chemin faisant, ce que nous lisons dans ses livres, à savoir que le nom de Nazaréen avait passé primitivement de Jésus à ses disciples et aux fidèles, qui s’en faisaient gloire, avant d’avoir adopté celui de chrétien, mais que les Juifs et les païens continuaient à le leur appliquer par dérision et par injure. Quelles curiosités eurent-ils à visiter dans cette bourgade célèbre ? Le récit ne le dit pas ; il ne parle en aucune façon d’un oratoire de la Vierge, qu’on voit figurer plus tard parmi les monumens chrétiens et se transformer en églises ; l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem n’en fait pas non plus mention. Quoi qu’il en soit, les voyageurs demeurèrent peu de temps à Nazareth, se rendirent à Gana, premier théâtre des miracles du Christ ; puis, rétrogradant un peu dans leur marche, se dirigèrent vers le Thabor.

Deux grands souvenirs, l’un religieux, l’autre profane, s’attachaient à cette montagne, non moins fameuse dans la topographie que dans l’histoire de la Palestine, et qui dresse son immense cône tronqué, flanqué de forêts, au milieu de la plaine de Galilée. Jérôme en faisait le lieu de la transfiguration du Christ, quoique, suivant une indication donnée par le pèlerin de Bordeaux, une autre tradition plaçât l’événement divin au-dessus de Jérusalem, sur le monticule de l’Ascension. Paula, qui partageait volontiers les opinions de son ami, voulut aller reconnaître au Thabor l’endroit où Pierre s’écriait dans sa joie : « Seigneur, il est bon de demeurer ici, nous y dresserons trois tentes ! » C’était là le souvenir religieux, bien digne du Dieu de paix ; l’autre était un souvenir de la fureur des hommes. Le Thabor avait dû à sa position abrupte et isolée dans ces vastes plaines le triste honneur d’être un observatoire de guerre et une forteresse. On y rencontrait à chaque pas des traces encore récentes de la guerre. L’historien Josèphe, héroïque défenseur de la Galilée, durant la lutte contre Titus, avait lui-même construit des ouvrages avancés avec une enceinte en partie debout, et les murailles d’un château-fort occupaient le sommet du cône. La fatigue de la marche avait été si grande à travers des sentiers raboteux et escarpés, que la caravane dut faire une halte prolongée sur ces ruines. Favorable pour la guerre, l’observatoire était commode aussi pour les voyageurs qui voulaient d’un