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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/648

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soit mauvaise, et qu’elle n’exerce point sur elles une action morale aussi puissante et aussi élevée que pourrait le faire le christianisme. C’est ce que le gouvernement anglais paraît avoir compris, et l’étude des livres indiens en Europe le confirmera de plus en plus dans cette appréciation. Un jour viendra sans doute où les sociétés de propagande et les croyans zélés, convaincus de leur-impuissance, renonceront à des conversions impossibles et vraisemblablement inutiles, qui exigeraient de leur foi des concessions théoriques auxquelles ils ne sont pas disposés.


V

Reste donc l’action générale de l’instruction publique : elle ne rencontre dans l’Inde aucune opposition, elle est presque partout accueillie avec empressement et sollicitée par ceux qui n’en jouissent pas encore. Ce n’est guère que depuis cinq ou six ans qu’elle occupe une place importante dans les préoccupations du gouvernement anglais ; mais cette place grandit d’année en année, et il est évident qu’à ses yeux l’enseignement public est la véritable voie par où la civilisation chrétienne doit pénétrer en Orient. L’Inde à cet égard est dans une excellente condition : non-seulement l’esprit des classes élevées est ouvert à toutes les notions scientifiques, comme l’est celui de tous les peuples aryens, mais de plus la société brahmanique a des les temps les plus reculés montré son goût et son aptitude pour toutes les hautes spéculations. Elle a créé des sciences dont naguère on faisait honneur aux Arabes, l’astronomie, l’algèbre, l’anatomie ; elle a poussé la métaphysique, la grammaire, la psychologie plus loin qu’elles ne sont allées chez nous jusqu’à ce jour ; dans les lettres, elle a produit des œuvres incomparables que les Grecs ont quelquefois surpassées, mais qu’ils n’ont pas toujours égalées. La société aryenne n’a jamais oublié son passé : suivant des méthodes locales et classiques, ce que les anciens ont découvert ou composé se transmet dans l’enseignement des gourous et les ouvrages des pândits ; les hautes classes sont en état de recevoir l’instruction qu’on voudra leur donner. J’ai dit qu’elles l’accueillent et la désirent : non-seulement ce fait est prouvé surabondamment par l’accroissement rapide du nombre des jeunes gens qui fréquentent les écoles et les collèges de Calcutta, de Pouna, de Delhi, d’Agra, de Bénarès et beaucoup d’autres, mais aussi par la fondation de plusieurs sociétés scientifiques et littéraires, sortes d’académies où des indigènes de toute race et de toute religion se rencontrent avec des Anglais et d’autres Européens, par la création spontanée de journaux natifs où une place est réservée aux articles de science et qui se donnent pour tâche d’élever les Indiens au niveau de la