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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/658

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longtemps, on croirait voir un des charmans personnages de Masaccio descendu de sa fresque et monté sur un piédestal. La statue est en plâtre, l’ébauchoir a donné tout ce qu’il avait à donner ; que fera le ciseau ? J’espère en effet que M. Dubois exécutera en marbre cette jolie statuette ; la faire couler en bronze, ce serait l’alourdir, enlever à ses contours leur finesse et leur élégante harmonie.

L’Aristophane de M. Clément Moreau est d’un genre plus sérieux. C’est une statue en plâtre de grandeur naturelle. Le poète est assis, tenant dans ses mains sa jambe gauche repliée et appuyée sur le genou droit. Comme on le voit, la pose est très simple et offre un ensemble de lignes qui se combinent facilement entre elles. Le personnage serait tout à fait nu, sans un bout de draperie qui lui entoure les reins. L’étude de sa musculature a été visiblement très soignée. Le modelé général ne se rapporte pas très bien à celui de la barbe et des cheveux, qui accuse quelques sécheresses qu’il sera facile de faire disparaître après la mise au point. Ce que j’aime le moins dans toute la statue, c’est le visage même d’Aristophane : M. Moreau en a fait un satirique plutôt qu’un poète comique. Dans cette figure un peu grimaçante, trop souriante, qui rappelle celle de certains faunes, je ne vois que le railleur, et je ne retrouve pas le rêveur triste et profond qui riait si bien des choses pour n’avoir pas à en pleurer, et qui dans certains chœurs, notamment dans ceux des Oiseaux, s’est élevé à une hauteur de poésie qui a été rarement atteinte et n’a jamais été surpassée. Je voudrais plus d’ampleur dans la face, plus de rêverie concentrée dans le regard, plus de mélancolie sur les lèvres. Dans Aristophane, il y a autre chose que l’éclat de rire et l’obscénité : il y a une force philosophique considérable. Il suffit de voir de quelle façon il traite les dieux pour le comprendre : c’était le libre penseur par excellence, et c’est pour cela que j’aimerais à trouver dans ses traits moins de malice et plus de grandeur. Si M. Moreau exagérait si peu que ce soit l’expression qu’il a donnée à son personnage, il en ferait un Diogène. En somme, cette observation, qui est plutôt littéraire que plastique, n’infirme en rien le mérite de la statue, qui est remarquable sous plus d’un rapport, et qui sans doute paraîtra meilleure encore lorsque nous la reverrons exécutée en marbre à une prochaine exposition.


II

La peinture religieuse s’en va, et cela se comprend, car elle ne répond à aucun besoin ; elle n’est plus qu’une fiction consentie à laquelle personne ne croit ; elle n’a plus d’autre but, d’autre raison d’être que de servir d’ornement aux murs des chapelles. En