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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/685

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s’était continuée depuis plus de quinze ans. Les assaillans n’avaient pas fait deux sièges à la fois, et le pouvoir était la cible où s’étaient dirigés tous les coups.

Il n’en est plus de même aujourd’hui. Le pouvoir est muni d’une armure qui décourage les agresseurs, et mieux il est couvert, plus ce qui reste vulnérable, soit à côté, soit au-dessus de lui, est exposé et compromis. L’esprit d’audace et d’agression se dédommage, comme il peut, de l’abstention forcée que la politique lui impose. Il voit qu’en matière religieuse la place est moins gardée, il s’y sent plus à l’aise et serré de moins près ; de là des témérités d’un ordre tout nouveau qui scandalisent les croyans, et dont les plus indifférens s’étonnent pour peu qu’ils se rappellent le calme précédent. Ce ne sont plus maintenant, des hommes, des ministres, ce n’est plus un gouvernement, c’est Dieu qu’on bat en brèche ! Nous ne demandons pas, notez bien, que le pouvoir ajoute, même au profit des vérités que nous vénérons le plus, la moindre restriction nouvelle aux droits de la libre pensée. Nous constatons un fait, pas autre chose. Aussi bien ces attaques ne valent peut-être pas tout l’émoi qu’elles causent. Si vives, si nombreuses, si bien combinées qu’elles soient, elles n’ébranleront pas l’édifice et serviront plutôt à le mieux affermir en appelant à son secours des défenseurs plus éclairés et des gardiens plus vigilans ; mais elles n’en sont pas moins un grand sujet de trouble. Cette inquiétude, ce malaise, ces craintes vagues que les agitations de la vie politique semblaient naguère pouvoir seules provoquer, nous les voyons renaître de ces débats nouveaux dans le sein des familles, au fond des consciences. Ce ne sont plus cette fois les intérêts qui prennent peur, ce sont les âmes qui s’émeuvent. La crise en apparence est moins rude, moins vive ; elle est au fond plus grave, plus menaçante, et nul dans ce conflit ne peut rester indifférent.

Aussi voilà M. Guizot ; qui en veut prendre sa part et qui entre dans la mêlée. Il est de ceux qui à certaines heures et sur certains sujets ne sont pas maîtres de se taire. Qu’en politique il s’efface et s’abstienne, qu’il regarde passer les choses d’aujourd’hui sans dire tout haut ce qu’il en pense, rien de mieux, sa dette en politique est amplement payée : tout au plus se doit-il à lui-même, aussi bien qu’à sa cause, de rétablir le véritable sens, la vraie physionomie des choses qu’il a faites. Mettre en lumière ses vues, ses intentions, ses actes, les expliquer, les commenter, on pourrait presque dire les compléter de son vivant, donner le ton, la note juste à ses futurs historiens, achever ses Mémoires en un mot, il y a là un devoir qu’il a raison de ne pas ajourner. Ce n’en était pas moins à d’autres fins et en vue d’une œuvre encore plus haute