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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/699

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la critique régénérée, la négation absolue des faits surnaturels, il faut voir de quel ton, de quel air, avec quel magnifique dédain ils vous prennent en pitié, vous, esprits assez simples pour croire que le Tout-Puissant pourrait bien être aussi intelligent et libre ! Comme ils vous signifient qu’entre eux et vous tout commerce est rompu, que vous n’avez rien à faire de leurs livres, attendu que, ne prenant souci ni de vos censures ni de votre approbation, ce n’est pas pour vous qu’ils écrivent. On serait bien tenté de rendre avec usure ces superbes dédains ; mais il y a mieux à faire. Nous avons montré tout à l’heure que l’homme dans les limites de sa puissance et de sa liberté peut modifier les lois de la nature ; voyons maintenant si Dieu dans sa sphère infinie n’a pas aussi même pouvoir, s’il n’en a pas donné quelque éclatant exemple.

Il en est un qui par ordre de date et d’évidence domine tous les autres. Ce n’est pas un de ces faits dont la preuve ne nous est parvenue que par récit, par témoignage, soit écrits, soit traditionnels. Tous les récits se peuvent contester, tous les témoins se peuvent récuser ; ici le fait parle lui-même, directement, il est patent, irréfutable. C’est l’histoire de nos premiers parens, du commencement de notre race, car notre race a commencé : ceci ne fait pas question. Il n’en est pas de l’homme comme de l’univers, aucun sophiste n’oserait dire que l’homme ait existé de toute éternité. La science sur ce point est d’accord avec la tradition, et détermine à des signes certains l’époque où cette terre a pu être habitable. L’homme a donc pris naissance un certain jour, et il est né, cela va sans dire, tout autrement qu’on ne naît aujourd’hui, premier de son espèce, sans père ni mère par conséquent. Dès lors les lois de la nature, pour cette fois du moins, n’ont point eu leur effet. Une puissance supérieure, agissant à sa guise, a opéré, en dehors de ces lois, plus simplement, plus promptement, et le monde a vu s’accomplir un fait évidemment, nécessairement surnaturel.

Voilà pourquoi certains savans se donnent tant de peine, et depuis si longtemps, pour trouver un moyen plausible d’expliquer scientifiquement, comme un fait naturel, cette naissance du premier homme. Les uns voudraient que le mot de l’énigme fût dans la transformation des espèces : singulière façon d’échapper au miracle que de tomber dans la chimère ! Si quelque chose en effet est prouvé et devient chaque jour de plus grande évidence, à mesure que le monde vieillit, c’est que la conservation des espèces est un principe constitutif de tout être vivant. Essayez d’enfreindre cette loi, vous en serez pour votre peine. Les croisemens entre espèces voisines et les variétés qu’ils produisent ne sont-ils pas frappés au bout d’un certain temps d’une infaillible stérilité ? Ces tentatives impuissantes, ces simulacres de créations aussitôt avortées, ne sont-