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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/718

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depuis longtemps rompu. L’événement justifia cette prévision, car à partir de 1832 la marche de la justice criminelle fut plus ferme, et le nombre des condamnations augmenta d’une manière sensible.

Cependant, après un certain nombre d’années et par un singulier retour, la situation avait complètement changé ; c’est que, sans aucun doute, d’autres causes avaient agi, et je n’en dis un mot que pour protester encore une fois contre cette opinion déjà combattue : c’est que pour contenir ou modérer le mouvement progressif des récidives, il suffirait d’appliquer plus rigoureusement la loi pénale. Puis je me demande si, avant de rechercher jusqu’à quel point une répression plus sévère produirait les résultats dont on parle, il ne conviendrait pas de s’adresser une autre question : cet accroissement de rigueur est-il possible ? Rien assurément de plus logique et de plus naturel, car c’est bien là que se trouve la véritable difficulté, la seule, à vrai dire : on le voit bien quand on serre le sujet de plus près et qu’on y pénètre davantage. Il faut donc la prendre dans ces termes et s’y tenir sans chercher plus longtemps à la méconnaître ou à l’éluder. Voici comment la question pourrait être posée : « si, dans l’état actuel des mœurs et des esprits, l’on excitait la magistrature et le jury à une application beaucoup plus sévère de la loi pénale, obéiraient-ils à cette impulsion, et serait-il permis de compter sur leur persévérante et inébranlable fermeté ? » Eh bien ! je déclare, sans hésiter, que je suis loin de le croire. Il faudrait pour cela retrouver partout, et dans une forte mesure, ce sentiment sain et profond de foi et d’honnêteté dans lequel la virilité des mœurs et l’énergie du caractère viennent se retremper comme à leur source. Or ce sentiment, loin de renaître et de se fortifier, ne tend-il pas au contraire à s’affaiblir chaque jour davantage, et ne peut-on pas dire que de nos jours et en toutes choses là est le principe même de nos irrésolutions et de nos défaillances ? C’est le cri universel. Entre un nombre infini de témoignages, je n’en citerai que deux.

Dès 1839, M. de Gérando, honnête et excellent observateur, disait déjà que les dispositions d’horreur pour le crime, de respect pour les lois morales étaient tombées dans un affaissement général. Il ajoutait ceci : « Les notions du juste et de l’injuste sont altérées dans l’esprit de la multitude ; elles le sont même dans la classe instruite et élevée, à un degré moindre sans doute, mais elles le sont en réalité dans l’esprit de chacun de nous. Là est le mal, là est la cause vraie et première de l’augmentation des crimes et de l’énervation de notre système répressif. » Plus récemment, dans le rapport sur la statistique de 1850, M, le garde des sceaux, après s’être demandé si au point de vue moral la société s’est améliorée comme au point de vue matériel et intellectuel, faisait cette réponse : « Que