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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/721

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prendre l’abolition de cette peine serait, pour la paix commune et la sécurité de chacun, d’un bien moindre intérêt ; qu’on ne le suppose. Cela dit, la question de principe se trouve, ce me semble, à peu près dégagée ; la difficulté désormais est tout entière dans l’analyse des faits et dans l’appréciation sagement mesurée des rapports que cette analyse déterminera entre l’utilité de la peine et l’intérêt essentiellement prédominant de la société. Si donc il résulte de cette double étude une présomption de nécessité élevée à un tel degré de puissance que le péril social soit reconnu imminent, l’on devra reconnaître aussi que dans ce cas et en soi la peine est effectivement légitime. Je sais très bien qu’il peut être fort difficile de marquer le point précis qui signale une telle nécessité ; je sais aussi que, sous le vif aiguillon de cette difficulté, les esprits s’agitent et les imaginations s’enflamment. Tenons-nous plus près des choses cependant, et cherchons-en la plus exacte vérité dans ces notions de bon sens pratique et de sage expérience que l’on devrait bien, à l’exemple des plus grands esprits, se résigner enfin à considérer comme le principe et la source des meilleurs enseignemens.

Or, si l’on se place à ce dernier point de vue, et puisqu’il s’agit après tout de cette terrible présomption de nécessité dont on vient de parler, il importe essentiellement que la loi criminelle en spécifie toutes les circonstances et tous les élémens avec le soin le plus scrupuleux ; il faut encore qu’elle soit très attentive à multiplier des garanties à l’aide desquelles cette présomption, se développant et se fortifiant de plus en plus, vient à se confondre en quelque sorte avec la certitude même. Ces éléments seront de deux sortes. Les uns se rapporteront aux formes d’instruction et de procédure destinées à régler la vérification et la constatation des faits : on devra donc et par-dessus tout, y tenir grand compte de toutes les conditions propres, assurer les droits d’une libre défense. Les autres auront trait à la délimitation précise et à l’exacte nomenclature des faits qui, par leur nature et leur gravité, seraient considérés comme passibles de la peine de mort. Cette nomenclature, dans aucun cas et sous aucun prétexte, ne pourrait s’étendre à des crimes qui ne porteraient pas à la paix sociale de profondes et irréparables atteintes : cette prudente restriction constituerait assurément une garantie d’un très grand poids. Enfin il y aurait fort à se préoccuper aussi de la juridiction même à laquelle serait remis le pouvoir d’apprécier dans sa pleine et souveraine indépendance les circonstances du fait incriminé. Une magistrature incessamment renouvelée, dégagée de toute prévention et de toute influence, placée en présence du crime et de l’accusé avec les impressions ; qui agitent au moment même la société tout entière, constituerait à son tour