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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/725

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une heure bien solennelle, qu’il avait eu le plus grand mal à trouver parmi ses co-détenus de Poissy un complice qui voulût consentir à être de moitié dans l’exécution d’un crime qu’il préparait de longue main. Il disait encore que, rendu à la liberté et privé du concours de ce complice, il avait essuyé derechef d’innombrables refus de la part des malfaiteurs les plus renommés par leur audace, et précisément parce qu’il y allait de leur tête ; que c’était enfin à grand’peine, par un coup de fortune, que, le jour du crime approchant, il était parvenu à en raccoler un, mais un seul, et encore celui-ci était-il déjà compromis dans un crime passible de la peine capitale, ce que l’on appelait alors l’assassinat de la Boule-Rouge. Que l’on veuille bien remarquer cependant qu’il s’agissait ici de Lacenaire, si puissant parmi les siens, proposant d’ailleurs avec tout l’ascendant de son esprit une combinaison si ingénieuse et d’une exécution si aisée que, pour en empêcher le succès, il ne fallut rien moins que la circonstance fortuite la plus inouïe et la plus imprévue ; affaire superbe d’ailleurs, selon lui : on devait, après une forte recette de fin de mois, s’emparer du portefeuille d’un garçon de la Banque attiré dans une maison isolée du Marais au fond d’une cour.

C’est ici qu’il faut faire un retour sur soi-même, s’interroger avec bonne foi et se demander, en descendant au plus profond de sa conscience, s’il n’est pas de toute évidence que, la peine de mort n’existant pas, on eût vu accourir à la voix de cet homme tout un monde de malfaiteurs impatiens de s’engager à sa suite. — Mais point jusqu’à l’assassinat ! dira-t-on peut-être. — Pourquoi pas ? Je réponds au contraire et sans hésiter : Oui, très certainement et très logiquement, jusqu’à l’assassinat, car enfin, même avec l’assassinat de plus, la différence dans la peine eût été fort peu de chose, et l’on y aurait gagné, ce qui était beaucoup, de faire disparaître un très bon témoin, le plus redoutable sans contredit. Le calcul, il faut l’avouer, est d’une simplicité et d’une rectitude qui font vraiment peur.

J’en aurais fini sur ce point, si je ne devais, malgré une assez vive répugnance, dire quelques mots du crime d’empoisonnement ; mais il le faut absolument, car aucun autre n’appartient davantage à la question. Qu’il soit en effet, entre tous, celui pour lequel la menace de la peine de mort agit avec le plus de force et d’opportunité, cela ne peut faire l’objet d’un doute. La raison en est fort simple : c’est qu’il est plus particulièrement le crime des mauvaises natures, de ces natures hypocrites et cauteleuses, sans courage et sans élan, se traînant dans les voies souterraines des plus sordides calculs et des combinaisons les plus astucieuses ; elles fuient surtout le jour et la lumière, et l’image de la mort par l’échafaud les remplit d’épouvante. Rien de plus vrai, mais d’un autre côté il est également