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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/732

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puis si longtemps qui n’ait à l’instant même reconnu à ces traits les prisonniers les plus dangereux ; mais vient-on à parler de retour volontaire à une vie laborieuse et honnête, d’instincts criminels déracinés, de mauvaises passions éteintes, de repentir sincère, de régénération morale en un mot, j’avoue que je demeure confondu. Et ce serait à mes yeux une bien grande témérité que de fonder un système tout entier de discipline répressive sur la supposition assurément très gratuite d’un semblable résultat, d’autant plus qu’il n’y aurait lieu d’en tenir compte, même en l’admettant, que si le fait se produisait, non pas accidentellement et de loin en loin, mais fréquemment, successivement, et dans de certaines conditions de permanence et de pérennité. Si ces conditions manquent, il n’y a pas de système, ou, ce qui est même chose, le système est stérile et sans action véritable.

Enfin, et pour aller tout d’un trait au fond même des choses, comment se faire à cette idée, que bientôt dans cette atmosphère si impure des prisons on verrait des âmes jusque-là profondément endurcies et desséchées céder néanmoins à de plus douces influences et s’épanouir en quelque sorte au souille vivifiant du repentir, tandis que c’est l’éternelle leçon de l’histoire que, même dans les circonstances les plus favorables, au sein de la population la plus honnête et sous l’empire des exemples les plus touchans, c’est de la religion seule que l’on peut, aux heures les plus propices, et à grand’peine encore, attendre de tels miracles ?

Par quelque côté que l’on envisage la question de la liberté préparatoire, on arrive donc à reconnaître que, du moins dans le système de la détention en commun, rien n’est plus incertain et plus problématique, même dans les données les plus favorables, que l’amendement moral des condamnés. Or il est aisé de voir que, sans l’amendement moral, la liberté préparatoire, loin d’être un moyen de bon ordre et de sécurité, devient un danger d’autant plus grand que la perversité du condamné se serait ainsi retrempée et aigrie dans l’impatience d’une longue hypocrisie et d’une contrainte odieuse.

On annonce cependant que ce régime a été l’objet de récentes et très heureuses expériences dans un pays voisin ; cela est peu probable assurément, mais n’importe, l’assertion vient de trop haut pour qu’on puisse lui refuser l’honneur d’un examen, fort rapide sans doute, mais très loyal et très sincère.


III

Rien de plus curieux et de plus instructif que l’histoire de la déportation des condamnés pour crimes en Angleterre : elle commence en 1785 et ne paraît pas près de finir. Je n’en prendrai que