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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/823

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LE MONT-ROSE
ET
LES ALPES PENNINES
SOUVENIRS DE VOYAGE

Il n’y a pas longtemps que l’homme connaît ou plutôt qu’il a commencé de connaître le relief de la planète qu’il habite. Ce qu’il ignorait surtout jadis, c’était la direction des chaînes de montagnes, la hauteur relative de leurs points culminans, la forme de leurs massifs, les plis et les lignes de faîte qui en déterminent le contour. L’orographie est une science toute moderne. Quoique les Alpes s’élèvent au centre de l’Europe civilisée, jusque vers la fin du siècle dernier la géographie aurait pu inscrire sur une grande partie du territoire qu’elles occupent terra incognita avec presque autant de raison que sur les espaces inexplorés de l’Australie ou de l’Afrique équatoriale. Ces monts au profil dentelé, ces pics argentés qui enserrent les vertes plaines de la Lombardie de leur cadre splendide et qu’on peut dénombrer un à un du haut du dôme de Milan ou du campanile de Venise, nul ne les avait visités, sauf le pâtre ignorant qui l’été y conduisait ses moutons, ou le chasseur qui y poursuivait le chamois. En Suisse même, où on les voyait de plus près, on ne possédait aucun de ces élémens de nombre et de mesure qui donnent à l’esprit la connaissance des choses en y imprimant une image exacte et conforme à la réalité. Dans un livre très curieux, qui est comme le premier modèle de ces albums illustrés si répandus aujourd’hui, et qui date de 1712, les Délices de la Suisse, l’auteur, Gottlieb Kypseler, de Munster, affirme que les plus hautes