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plus complète encore. Le sol du Valtos se prêterait cependant aux productions les plus fructueuses et les plus variées. La vigne et le blé y réussissent admirablement sur les rares parcelles de terrain où ils sont cultivés ; l’olivier y croît naturellement et atteint des proportions gigantesques, une durée plus que séculaire ; les plateaux et les collines que les bois n’ont pas envahis n’attendent que l’intervention de l’homme pour fournir d’abondantes récoltes ? l’oranger et le citronnier fleurissent dans le creux des vallées ; les forêts surtout, yeuses et chênes de toutes les espèces, seraient la source d’une inépuisable richesse, si le gouvernement se décidait enfin à les exploiter. Au commencement de ce siècle, la France, maîtresse de ces provinces en Même temps que des Sept-Iles et comprenant tout le parti qu’elle pouvait tirer de ces forêts, confia à M. Roque, délégué de la chambre de commerce de Marseille, et à M. Lasalle, autrefois consul dans ces parages, la mission de pratiquer en Acarnanie des abatis pour les chantiers maritimes de Toulon. Cette tentative d’exploitation commençait à porter les plus heureux fruits, lorsque la fin de l’occupation française y mit un terme. Le souvenir s’en est perpétué dans le pays, mais l’exemple n’a pas été suivi.

Ces forêts appartiennent presque en totalité à l’état, qui n’en tire aucun revenu, et la Grèce, loin de jouir de ce véritable trésor, va chercher ses bois de construction en Turquie et en Autriche, ainsi qu’on peut le voir par la listé des importations dans l’exposé du mouvement commercial que le ministère des finances publie chaque année. On a peine à comprendre qu’un gouvernement renonce ainsi aveuglément aux bénéfices d’une exploitation qui aurait le double avantage d’affranchir le pays d’un lourd tribut payé à l’étranger et de pousser dans la. voie de la civilisation des peuplades qui, retranchées maintenant dans leur isolement, renonceraient peu à peu à leur genre de vie barbare, si là cognée du bûcheron entamait un jour leurs solitudes. Pour le moment, le seul trafic auquel se livrent ces peuplades est celui de la vallonée, βάλανοι. On appelle ainsi la capsule qui enveloppe le gland du plus fort et du plus beau des chênes, quercus œgilops, qui croît par toute la Grèce avec une prodigieuse vigueur et enfonce dans le rocher même ses puissantes racines. La vallonée sert à divers usages de l’industrie, et la Grèce en exporte une quantité considérable, recueillie surtout dans les bois de l’Étolie et de l’Acarnanie. En automne, cette capsule précieuse tombe d’elle-même de la branche et couvre le sol d’une couche épaisse. Les paysans envahissent alors les bois en foule pour ramasser la vallonée ; hommes et femmes en chargent leurs épaules et vont la vendre dans les ports aux négocians étrangers. Le moderne Acarnanien, qui n’aspire guère qu’à l’indépen-