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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/890

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moderne aura définitivement entamé leurs solitudes et tracé dans leurs forêts, jusqu’à présent inexplorées, la voie du progrès et de la civilisation. Quelque rapidement qu’elle s’opère, cette transformation ne peut toutefois être l’œuvre d’un jour. La Grèce est un pays neuf où il faut beaucoup créer, beaucoup réformer aussi, et les bénéfices sur lesquels doivent compter les capitalistes qui entreprendront la construction des voies ferrées ne seront pas immédiatement réalisables. Le gouvernement, dont l’intérêt se confond essentiellement avec celui de la nation, doit donc assurer à ces entreprises toutes les conditions que peut réclamer une légitime prudence, par exemple une garantie d’intérêt proportionnée aux chances à courir et aux difficultés à vaincre. Jusqu’à ce jour, cette garantie, nécessaire non-seulement comme appui matériel, mais comme appui moral, a été refusée sous prétexte que tous les revenus dont l’état peut disposer sont acquis au paiement de la dette nationale et ne peuvent être détournés pour aucun autre usage[1]. La connaissance des bienfaits dont les chemins de fer doteront la Grèce, la certitude des ressources nouvelles qu’ils fourniront au trésor par l’accroissement de la richesse publique, combattent victorieusement ce scrupule. Le tribut important de taxes de toute sorte, impôts, contributions, droits d’entrée, de sortie et de transit, que ces chemins apporteront aux recettes du trésor, ne contribuera-t-il pas dans une proportion considérable à couvrir une garantie d’intérêt qui, au taux de 6 pour 100[2], serait de 5 millions et demi à 6 millions, si les dépenses de la voie ferrée de Vonitza au golfe de Volo s’élèvent, comme on l’a calculé, à 90 ou 100 millions ? Mais en outre cette ligne permettra au gouvernement de réaliser certaines économies dont nous voulons indiquer les plus importantes. Et d’abord, longeant les frontières, soudée sur tout son parcours à une multitude de routes et de chemins vicinaux que les provinces et les communes ne tarderont pas à construire pour se lier à cette grande artère, la voie ferrée sera l’instrument le plus actif de la répression du brigandage et le plus puissant auxiliaire de la sécurité publique, en faveur de laquelle l’état dépense toutes les années plusieurs millions en pure perte. Le brigandage, fléau qui a de tous temps désolé la Grèce, et qui, en passant pour ainsi dire dans les mœurs de la nation, n’a pas peu con

  1. Ce refus a seul arrêté jusqu’ici MM. Wilde et Xénos, capitalistes anglais, qui ont demandé la concession des chemins de fer grecs et sont encore actuellement en instance auprès du gouvernement. Ils proposent en même temps de percer l’isthme de Corinthe.
  2. La Turquie accorde une garantie de 9 pour 100, le gouvernement du prince Couza 7 1/4 pour 100. À Athènes pas plus qu’à Constantinople ou à Bucharest, on ne doit s’attendre à trouver des capitaux au taux de Paris, de Londres ou de Bruxelles.