Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

côtes d’Europe et abondait dans les parages de Terre-Neuve, s’est retirée insensiblement vers les latitudes plus froides où elle est mieux abritée contre les poursuites des hommes. Ceux-ci la suivent jusque dans ces régions presque inabordables. Il n’y a pas d’année où quelques bâtimens baleiniers n’hivernent dans les glaces du détroit de Davis et de la baie d’Hudson, de préférence dans l’une des nombreuses baies découpées à l’intérieur du petit continent qui sépare ces deux bras de mer. Des pêcheurs intrépides vont même bien plus près du pôle. Parmi les plus hardis explorateurs des régions polaires, on compte des capitaines de navires armés pour la pêche de la baleine. Ces marins vivent pendant leur hivernage en contact journalier avec les Esquimaux, habitans de ces contrées stériles, mais ils s’occupent peu d’étudier leurs mœurs et leur existence ; ignorant leur langue, ils se bornent en général aux rapports passagers que créent entre eux des échanges de vivres et de services.

D’autres expéditions, d’un intérêt purement scientifique, furent dirigées à diverses époques vers ces hautes latitudes. La plus célèbre, sinon par les résultats, au moins par l’impulsion qu’elle a donnée aux voyages de découvertes vers le pôle boréal, fut celle de sir John Franklin, qui avec deux navires, l’Erebus et la Terreur, quitta l’Angleterre en 1845. Aucune nouvelle de l’expédition n’étant venue en Europe depuis l’époque du départ, d’autres navires furent, on le sait, expédiés sur les traces de sir John Franklin. Grâce aux efforts empressés de l’amirauté anglaise, au concours bienveillant d’un Américain, M. Grinnell, qui fit à lui seul les frais d’une de ces campagnes, et surtout grâce au dévouement persévérant de lady Franklin, qui consacra sa fortune entière à ces entreprises, on put continuer pendant quinze ans les voyages de recherches. Si ces voyages ont été féconds en résultats géographiques, le but principal n’a par malheur pas été atteint. Quoiqu’une trentaine de navires aient parcouru les mers où Franklin s’est perdu et qu’une somme de 50 millions de francs ait été, dit-on, dépensée dans ces tentatives infructueuses, on n’a point encore de détails précis sur la dernière expédition de l’infortuné navigateur et sur l’événement qui l’a terminée. Dans le voyage fait par le Fox en 1858, sous le commandement de sir Leopold Mac Clintock, on a pu seulement s’assurer que Franklin, plusieurs de ses officiers et des hommes de son équipage, après avoir abandonné leurs navires emprisonnés dans les glaces, étaient morts de faim et de froid sur la Terre-du-Roi-Guillaume, vers le 68e degré de latitude. Il fut avéré aussi qu’en avril 1848 cent cinq hommes de cette expédition étaient encore vivans ; plusieurs d’entre eux pouvaient donc avoir prolongé leur existence jusqu’à l’époque actuelle, en restant au milieu des Esqui-