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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/829

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LE DERNIER AMOUR.

lui remontrer sa faute et de lui reprocher le malheur de ma vie. Le hasard nous a mis en présence l’un de l’autre, il y a huit jours, dans un endroit désert où elle errait un peu en folle et où je confesse, que je n’ai pas cherché à l’éviter. J’étais malheureux, allez ! malheureux par elle, et depuis si longtemps ! Il m’a bien fallu lui dire qu’elle avait trompé un homme juste, qu’elle regrettait un misérable, et que, si elle était ma femme, je la couperai par morceaux. Elle a eu peur de moi. Elle a voulu m’adoucir, et elle m’a rendu encore plus fou, car elle a été coquette et elle a menti. Elle a prétendu m’avoir aimé, elle m’a donné à entendre qu’elle pourrait m’aimer encore. J’ai bien vu son manège, je l’ai appelée lâche. Enfin… tuez-moi, si vous voulez ; à présent je suis dégoûté de la vie, moi aussi ; je ne me défendrai pas. Cette femme m’avait ôté la raison. Elle m’a rendu coupable envers vous qui m’aviez épargné et traité en homme. Elle ne m’aimait certes pas, elle me l’a dit ensuite. Elle n’a plus voulu me revoir. Elle m’a écrit qu’elle se tuerait. Je n’y ai pas cru, et elle s’est tuée. Eh bien ! vengez-vous sur moi. Cette femme avait des passions terribles ; elle avait déjà été à moi avant d’être à Tonino et à vous. Je voulais l’épouser ; c’est elle qui m’a refusé en me mettant au défi de la trahir. Tuez-moi, vous dis-je, ou plutôt laissez-moi vivre encore huit jours, car j’ai un devoir à remplir ; il faut que j’en finisse avec celui qui nous a outragés tous les deux.

— Parlez encore, répondis-je, je ne veux pas de réticences, je veux savoir si je n’ai aucun reproche à me faire de la mort de cette malheureuse. Dans cet endroit désert, il y a quinze jours, elle s’est donnée à vous ?

— Oui.

— Par peur de vos menaces ?

— Par peur de mes révélations ; mais je ne la menaçais pas de cela, j’étais lié par ma parole.

— De quoi donc la menaciez-vous ?

— D’aller chercher querelle à Tonino afin de pouvoir le tuer.

— Et vous avez mis pour condition à votre pardon qu’elle vous appartiendrait ?

— Non ! cela je le jure devant Dieu, non ! je ne faisais pas de conditions, je ne lui demandais rien, je ne voulais rien d’elle. C’est elle qui m’égarait le cœur et l’esprit avec des regards et des paroles auxquels un homme follement épris ne peut pas résister. Donc c’est moi qui suis coupable, mais pas avec préméditation, et quant à vous… eh bien ! vous êtes coupable aussi, vous, à votre manière, je ne peux pas dire autrement… Il fallait redevenir l’amant de votre femme. Ses passions ne se seraient pas égarées.