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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/114

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quelque sorte les fonctionnaires du gouvernement divin des choses. L’application directe des châtimens ou des grâces de Dieu leur était dévolue. Par conséquent il y en avait dont les fonctions inspiraient plus d’effroi que de confiance. Par exemple, c’est un esprit envoyé par Dieu qui vient punir Saül de ses méfaits en l’affligeant d’idées noires que la harpe de David parvient seule à dissiper. C’est un ange de l’Éternel qui apparaît à Balaam, l’épée nue à la main, comme pour le transpercer, ou qui détruit en une nuit toute une armée assyrienne. Il vint un moment où l’on distingua tout particulièrement un ange qui pourrait passer pour la personnification de la conscience coupable, car il remplissait dans la cour céleste les fonctions spéciales d’accusateur des hommes. Sans doute la justice souveraine décidait seule et dans la plénitude de sa souveraineté, mais c’était après débat contradictoire. Or celui qui faisait ainsi profession de poursuivre les hommes devant le tribunal divin, c’était un ange dont le nom de Satan signifie l’adversaire au sens juridique aussi bien qu’au sens propre de ce mot. Tel est bien le Satan du-livre de Job, encore membre de la cour céleste, faisant encore partie des fils de Dieu, mais ayant pour spécialité d’accuser continuellement les hommes, et devenu si soupçonneux dans sa pratique d’accusateur public qu’il ne croit à la vertu de personne, pas même à celle de Job le juste, et suppose toujours des motifs intéressés aux manifestations les plus pures de la piété humaine. On voit que le caractère de cet ange commence à se gâter, et l’histoire de Job démontre que, lorsqu’il veut venir à bout de la résignation d’un juste, il n’épargne rien. C’est aussi comme accusateur d’Israël que Satan paraît dans la vision de Zacharie (III, 1). De ce caractère particulier, et une fois admis que les anges interviennent dans les affaires humaines, résulte que Satan n’avait pas besoin d’Ahriman pour être redouté des Israélites comme le pire ennemi des hommes. On incline depuis lors à soupçonner ses maléfices dans les malheurs nationaux et privés. Par conséquent les inspirations fatales que le jéhovisme antérieur attribuait directement à Jéhovah seront désormais regardées comme provenant de Satan. On trouve dans l’histoire du roi David un curieux exemple de cette évolution de la croyance religieuse. Le roi David eut un jour l’idée malencontreuse, et même impie au point de vue théocratique-républicain des prophètes de son temps, de faire un dénombrement de son peuple. Là-dessus le second livre de Samuel (XXIV, 1) dit que « Dieu courroucé contre Israël excita David » à donner les ordres nécessaires pour cette opération ; au contraire le premier des Chroniques (XXI, 1), racontant absolument la même histoire, la commence en ces termes : « Satan s’éleva contre Israël et excita David à faire le dénombrement de son peuple. » Rien ne montre mieux que ce rapprochement