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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/188

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LA
PLACE DE LA ROQUETTE

LE QUARTIER DES CONDAMNES A MORT ET L'ECHAFAUD

Jusqu’aux premiers jours du XIXe siècle, on exécutait à Paris les criminels un peu partout, au hasard de certaines convenances dont le mobile nous échappe aujourd’hui, à la Grève, aux Halles, à la Croix du Trahoir, place de la Bastille, souvent dans un carrefour et parfois même dans les rues. La place de Grève, exclusivement adoptée sous le consulat, vit, jusqu’à la révolution de juillet, toutes les exécutions capitales dont Paris fut ensanglanté, et à cette époque elles étaient marquées de préliminaires d’une lenteur désespérante. Le condamné, amené dès le matin de Bicêtre, où il était enfermé depuis qu’il avait signé son pourvoi en cassation, était mis à la Conciergerie pour y passer son dernier jour. Quelques minutes avant quatre heures, il était extrait de la prison, hissé sur une charrette découverte et dirigé ainsi, à travers la foule qui encombrait les quais, jusqu’à la place sinistre où il devait mourir. Du haut de l’échafaud tourné vers la Seine, il pouvait voir le Palais de Justice et Notre-Dame. Cet usage cruel d’exhiber ainsi le condamné et de le montrer au peuple disparut avec la dynastie des Bourbons. A la place de Grève on substitua la place de la barrière Saint-Jacques, qui fut « inaugurée » le 3 février 1832 par Desandrieux ; au lieu de faire l’exécution à quatre heures de l’après-midi, alors que toute la population est sur pied et peut accourir, au lieu de laisser les crieurs arpenter les rues en annonçant le moment du supplice, on imposa aux agens de l’autorité une discrétion absolue, et l’on fixa l’instant de l’exécution au petit lever du jour.