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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/196

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d’aucune des garanties que la loi a stipulées pour lui ? Voilà ce qui importe et ce qu’on discute en l’absence du coupable, des témoins, du jury et des magistrats de la cour d’assises. Si la cour de cassation estime que les choses se sont passées selon toutes les règles, elle formule son opinion dans un arrêt motivé, et le pourvoi est rejeté. Le ministre de la justice est alors avisé, afin qu’il fasse exécuter l’arrêt criminel prononcé contre le condamné. Tout n’est point fini encore, car il reste le recours en grâce, qui est devenu en quelque sorte obligatoire depuis la circulaire ministérielle du 27 septembre 1830. Cette circulaire, dans laquelle on reconnaît l’esprit très humain de Louis-Philippe, enjoint aux procureurs-généraux d’adresser un mémoire sur chaque condamnation à mort au garde des sceaux, qui lui-même remettra un rapport au souverain, « parce que la grâce peut être accordée dans un intérêt de justice et d’humanité. »

Au rapport du procureur-général, on joint celui du président de la cour d’assises qui a connu de l’affaire, toutes les lettres, tous les télégrammes qui ont été envoyés au ministère de la justice pour demander la commutation ou l’exécution de la peine, puis le recours en grâce au bas duquel le condamné a mis son nom, et celui que parfois le jury a signé. Le recours en grâce du jury est intéressant à étudier. Bien souvent les jurés, surpris que leur verdict, dont ils n’avaient pas apprécié toute la portée, ait entraîné une condamnation capitale, remontent dans leur salle de délibération, et là, sous le coup d’une émotion très naturelle, signent une lettre collective qui recommande le coupable à la clémence souveraine. Quand la mesure émane du jury, on le reconnaît immédiatement, car il est facile de voir que la même plume a servi à formuler la demande et à faire les signatures. Dans presque tous les cas, la demande est écrite par l’avocat, qui, battu sur le terrain légal, se rejette vers un appel à l’indulgence pour arriver à sauver son client. D’autres fois au contraire toutes les signatures accusent des plumes différentes ; c’est qu’alors l’avocat, poursuivant quand même son œuvre de salut, est allé à domicile visiter individuellement chaque membre du jury, afin d’obtenir qu’il apostillât le recours en grâce. Quelques jurés, n’osant pas refuser absolument, font suivre leur nom d’une phrase restrictive.

Toutes ces pièces réunies et formant ce qu’on nomme un dossier sont envoyées au conseil d’administration du ministère de la justice, conseil composé du secrétaire-général, du directeur des affaires criminelles et des grâces, du directeur des affaires civiles, assistés d’un secrétaire. Rien n’est négligé ; on pèse les motifs qui militent en faveur du coupable ; souvent on se fait renseigner sur l’attitude qu’il a dans sa prison, on étudie la cause à nouveau ; c’est