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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/348

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mamelle, et nous dit que c’est son seul enfant. Nous savons qu’il en a plusieurs autres, mais ce sont des filles, et cela ne compte pas dans le Céleste-Empire. Il possède une foule d’objets européens qui enlèvent toute valeur aux modestes présens que nous nous disposions à lui faire. Montres, pendules, pistolets, stéréoscopes, tout cela paraît être de provenance anglaise, car les photographies représentent des courtisanes peu vêtues, au teint clair, aux cheveux rouges, qui révèlent leur origine. Le commerce n’a pas de pruderie, même dans la prude Angleterre.

L’enceinte de la ville est grande, mais de vastes espaces restent vides, envahis par les broussailles ou cultivés en légumes. Le marché est considérable, les magasins sont nombreux. On découvre cependant bientôt à Yuen-kiang, malgré certaines apparences de prospérité, des signes de deuil et de misère. Les épidémies y sont en permanence, une sorte de choléra le dépeuple. A chaque instant, je voyais un cercueil porté par quatre hommes traverser les rues eu. envoyant au ciel un peu de fumée qui s’exhalait de baguettes parfumées placées sur le couvercle. Le pays est en outre infesté de bandits contre lesquels rien ne garantit la sécurité publique. On se borne à des mesures particulières que les mandarins prennent suivant les cas et sous leur propre responsabilité. Quant à la police, elle n’agit sérieusement que lorsque la victime d’un vol ou d’un assassinat a une certaine importance sociale. Les riches se font escorter par des soldats lorsqu’ils voyagent, ou s’arment eux-mêmes, ainsi que leurs serviteurs ; mais les misérables deviennent la proie des brigands. Un pauvre Lolo des montagnes, qui était venu nous vendre des pommes de terre, regagnait son village, emportant avec joie ses sapèques. Il fut complètement dépouillé, et nous le vîmes revenir, la poitrine perforée d’un coup de lance, pour demander des soins que la gravité de sa blessure rendit inutiles.

Le gouverneur de Yuen-kiang se montrant plein d’aménité et de confiance expansive, nous essayâmes d’utiliser cette dernière disposition, bien rare chez les Chinois ; mais ses idées étaient confuses et ses renseignemens incomplets. Nous en profitâmes néanmoins pour aller étudier sur place une exploitation de minerai de cuivre qui se faisait à cinq jours de marche de Yunan-sen, à Sin-long-chan, village considérable entouré de murailles et construit dans une sorte de col arrondi entre les montagnes qui le dominent. C’est de ces montagnes que l’on extrait le cuivre, elles sont percées de cavités profondes où le mineur a poursuivi les filons : mais on paraît avoir abandonné les recherches dans les environs immédiats du village, dont les rues sont encore pavées de scories. Ce n’est qu’à trois lieues de Sin-long-chan que les travaux continuent ; encore ne nous a-t-on montré qu’un établissement sans importance fait