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servitude. L’existence des sectes au contraire, la rivalité des croyances entretiennent une émulation chrétienne qui ajoute à l’intensité, à la puissance de la foi, à son influence sur les sentimens et la conduite, et les peuples qu’on appelle hérétiques ne sont nullement les moins religieux. C’est ce que prouve aux plus aveugles l’exemple de l’Angleterre, en dépit de toutes les prédictions sinistres qu’arrachait à ses censeurs le spectacle de ses dissensions fanatiques au XVIIe siècle. Bossuet, en saluant d’une éloquente voix le tombeau de la veuve de Charles Ier, croit entrer dans les conseils de juste vengeance du Tout-Puissant, lorsqu’il signifie à l’Angleterre qu’elle est vouée à des guerres éternelles et que ses maux sont sans remède, si elle ne fait retour à l’unité et à la soumission anciennes. Il prophétise ainsi vingt ans avant le jour qui devait emporter de nouveau les fils des Stuarts et assurer à ce royaume réprouvé la plus longue période de puissance, de calme et de liberté dont ait joui aucun peuple de l’univers.

Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt de montrer par un exemple peu connu dans les détails la manière dont se forme, se développe et s’organise une secte religieuse dans un milieu social qui s’y prête, même en un temps de tranquillité, et loin de l’excitation des discordes civiles.


II

Tout le monde a entendu parler du méthodisme, tout le monde a pu lire à Paris même, au-dessus des portes de quelques édifices, ces deux mots : Wesleyan chapel. On ne sait pas très communément ce que c’est en soi que le méthodisme, et la qualification de wesleyen pourrait bien ne pas représenter une idée fort nette à tous les esprits. La tentation et la facilité d’en entretenir le public me sont venues à la lecture d’un excellent petit livre que je recommande même à ceux qui m’auront lu, et qui est l’ouvrage de M. le pasteur Matthieu Lelièvre. Les églises méthodistes de France avaient demandé une vie populaire de John Wesley, et cet ouvrage est le résultat d’un concours. Il est écrit dans un style simple et juste, les faits sont présentés sans apprêt ; le sentiment de ferveur très sincère et très visible qui anime l’auteur s’est préservé de toute déclamation, et bien peu d’illusions se mêlent à son admiration pour celui dont il raconte la vie. Ce livre suffirait pour le faire connaître ; mais les documens ne manqueraient pas pour le compléter. Sans compter les histoires spéciales du méthodisme, comme celle de Stevens, nous avons des mémoires sur la vie de Wesley, écrits par Southey, le poète lauréat de George III, le chantre du torysme, que son