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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/39

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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


venirs. Ces lettres sont au nombre de dix-sept dans nos éditions de Chrysostome, et Photius n’en comptait aussi que dix-sept ; mais on voit par quelques passages du texte que dans le principe il y en eut davantage. Elles furent toutes écrites de l’exil, et de Cucuse pour la plupart. L’antiquité en fit une estime toute particulière, non-seulement comme œuvre de philosophie chrétienne, mais comme modèles d’un style pur, élégant, animé ; l’histoire peut y voir en outre un sujet d’étude psychologique sur les sentimens du temps, et comme un dialogue entre deux grandes âmes qui ne se cachaient rien l’une à l’autre. Les lettres de Chrysostome nous permettent en effet de reconstruire celles de son amie, pour le fond des idées sans doute, mais souvent aussi pour la forme. Voici dans quelles circonstances et dans quelle intention cette correspondance a été écrite.

II.

Aucune œuvre philosophique de l’antiquité ne me paraît plus digne d’une admiration sérieuse que l’ensemble des opuscules adressés, sous le titre de lettres et de traités, par Jean Chrysostome à Olympias pendant son exil. La nature du sujet, qui présente une des plus profondes analyses du cœur humain, la beauté du style, qui les faisait compter par l’église d’Orient entre les plus belles perles de sa couronne, enfin les événemens particuliers au milieu desquels ils furent écrits et qui constituent le lien entre l’auteur et le livre, donnent à ces opuscules une place à part dans les ouvrages du grand archevêque. Ils appartiennent au genre que la rhétorique latine appelait consolatorium, la rhétorique grecque παραϰλητιϰόν (paraklêtikon), consolatoire, c’est un père qui les écrit pour une fille, un ami pour une amie, victime à cause de lui de la plus injuste des persécutions ; mais quel consolateur que l’auteur des lettres à Olympias ! Il parle de maux qu’il éprouve, il apaise des douleurs qu’il ressent ; il verse dans une âme qui est la moitié de la sienne, d’après ses propres théories touchant l’amitié spirituelle, un baume dont l’effet rejaillit sur lui-même, car il souffre autant et plus encore. « Dites-moi que mes leçons vous profitent, écrit-il à son amie, et prouvez-le-moi par la sérénité de votre cœur. Secouez, secouez cette cendre de tristesse qui vous aveugle et vous consume, relevez-vous d’un fatal accablement, et je serai payé de tous mes soins. Votre courage raffermira le mien, et le calme de vos pensées viendra me réconforter dans mes misères… »

Sans doute on avait pu voir dans les temps païens des philosophes composer à loisir et parfois sous les lambris dorés des consolations