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Les cryptogames terrestres ne montrent pas de moins grandes facultés reproductrices, et il est peu de corps dans la nature aux dépens desquels elles ne puissent trouver à se nourrir. On en rencontre qui végètent sur le granit le plus dur ; il en est d’autres qui absorbent impunément des poisons généralement mortels. Chacun connaît, par exemple, les propriétés délétères de la céruse : on sait que, comme tous les sels de plomb, elle exerce sur l’homme une action toxique incontestable ; même les plus faibles traces disséminées dans l’air et journellement absorbées par les voies respiratoires s’accumulent lentement dans certains de nos organes, le foie particulièrement, et finissent par donner la mort comme l’eût fait une absorption à haute dose. Les végétaux éprouvent en présence de ces sels des effets analogues. Pourtant le champignon de couche végète et prospère sur les fumiers qui remplissent les fosses où se fabrique la céruse. Il se sature de plomb sans en ressentir aucune influence délétère, mais non sans devenir lui-même, par suite de cette absorption de composés plombiques, un poison violent.

Il existe des substances qui arrêtent le développement des cryptogames ; on les nomme antiseptiques, et elles ont pris une grande place dans l’industrie. On emploie les uns à préserver les bois, d’autres à garantir les grains, les pâtes, les alimens des moisissures et de divers petits champignons. Toutefois l’efficacité de ces agens n’est pas absolue. Ainsi la résine, conserve assez bien d’ordinaire les bois qui en sont naturellement imprégnés ; on connaît cependant un champignon qui pousse sur les mélèzes de Savoie, et qui pompe dans les troncs sur lesquels il s’établit des quantités considérables de résine[1]. Ce champignon ne croît que sur des arbres déjà vieux, et presque toujours il est mortel à ceux sur lesquels il apparaît. En enlevant la résine intérieure, il rend la masse ligneuse beaucoup plus attaquable soit aux cryptogames ordinaires, soit aux insectes xylophages, qui achèvent l’œuvre de destruction. Dès qu’on aperçoit ces champignons sur un mélèze, cela signifie que le moment est venu de l’abattre, et il faut se hâter de profiter de cet avertissement. On voit combien sont variées les conditions dans lesquelles se développent les plantes cryptogamiques. Parmi tant de variétés, il y a lieu de s’intéresser plus directement à celles qui, vivant sur les matières destinées à l’alimentation, peuvent s’introduire dans l’organisme humain.

  1. Le bolet, assez volumineux, que l’on considère comme la fructification de ce champignon (le xylostroma), renferme parfois jusqu’à un tiers de son poids de substance résineuse.