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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/643

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LES MIGRATIONS VÉGÉTALES.

genre dioscorea[1], dont l’igname de Chine fait partie et dont toutes les autres congénères sont répandues dans la zone tropicale et subtropicale de l’Amérique et de l’Asie. Cette plante est le seul représentant européen de la famille des dioscorées, et il n’est pas moins surprenant qu’on l’ait découverte à la limite des neiges éternelles, dans la chaîne des Pyrénées, que si l’on avait trouvé à la même hauteur un singe, un perroquet ou un colibri. Ces végétaux exotiques ramènent forcément la pensée aux flores qui ont précédé la nôtre, alors que la hauteur et la connexion des continens étaient bien différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Passons aux grandes migrations qui ont modifié la composition de la flore primitive.

II. — INVASION DES PLANTES DU NORD.

Nous avons vu qu’à l’époque miocène, ou tertiaire moyenne, les climats terrestres étaient moins rigoureux que de nos jours. Les calottes de glace qui couvrent actuellement les deux pôles ne s’étaient pas encore formées, et la végétation arborescente s’étendait jusqu’aux régions arctiques. La distribution des terres et des mers n’avait aucune ressemblance avec celle du temps présent. L’Europe et l’Amérique étaient peut-être unies par des terres dont il ne reste que Madère, les Canaries et les Açores. L’Amérique du Nord communiquait probablement avec l’Asie, même dans les latitudes moyennes. La Méditerranée, la Manche, n’existaient pas encore ; les îles britanniques n’étaient point séparées du continent. La douceur des climats pendant cette période était encore due à la haute température initiale du globe terrestre. Vint ensuite une période de froid ; une calotte de glace s’étendit du pôle sur le nord de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique. Des glaciers s’établirent dans toutes les chaînes de montagnes et s’avancèrent dans les plaines environnantes ; c’est la première époque glaciaire. Les plantes du nord, refoulées peu à peu vers le sud, envahirent l’Europe tempérée, se mêlant aux espèces tertiaires qui résistaient encore et aux flores régionales qui avaient remplacé, sous l’influence d’un climat plus rude, les flores miocènes ensevelies sous les couches géologiques de la période quaternaire. Ces transformations s’opérèrent lentement, successivement, durant de longues séries de siècles dont le nombre confond l’imagination, et que le calcul ne peut supputer exactement. Lorsque le climat s’est adouci de nouveau, lorsque les glaciers se sont définitivement retirés, un grand nombre de plantes venues du nord ont péri sous l’action d’une température qui n’était plus celle de leur

  1. Dioscorea pyrenaica.