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botaniste suisse, M. Christ, constate qu’elles sont en réalité étrangères à la chaîne du Jura, fort répandues dans les Alpes dauphinoises et savoyardes, mais inconnues dans la chaîne du Valais qui fait face au Jura.

Signalons enfin une dernière voie suivie par les migrations végétales actuelles : ce sont les côtes des grands continens. Prenons par exemple celles de la France. Baignées par le gulf-stream depuis le golfe de Gascogne jusqu’au Finistère, elles jouissent d’un climat égal, caractérisé par des hivers doux et humides qui sont suivis d’étés tempérés et habituellement pluvieux. Aussi, quoique le climat d3 Bayonne soit plus chaud que celui de Brest, la végétation des bords de l’Adour ressemble beaucoup à celle de la Bretagne. Partout où les cultures font défaut, les chênes[1], les ajoncs[2], les bruyères[3] et la grande fougère[4] envahissent le sol et l’occupent entièrement, — étouffant toutes les espèces sporadiques qui tenteraient de se faire jour au milieu de cet impénétrable fouillis. Dans les sables des bords de la mer végètent ces plantes littorales pour lesquelles le sel est un élément indispensable. Quelques-unes prospèrent aussi sur les dunes brûlantes de la Méditerranée. Les dimensions qu’elles y acquièrent prouvent que la chaleur n’est pas défavorable à leur développement. Néanmoins ces plantes[5] remontent la côte jusqu’à l’embouchure de la Loire. Sous ce méridien, ce fleuve est la limite du chêne vert et de la vigne, qui ne dépassent pas l’île de Noirmoutiers. D’autres espèces s’avancent encore plus loin vers le nord sur les côtes du Morbihan et du Finistère ; mais elles s’arrêtent à leur tour, et au nord de la presqu’île du Cotentin le botaniste ne rencontre plus que ces végétaux robustes qui l’accompagneront le long des côtes septentrionales de l’Europe. Toutefois ceux-ci l’abandonneront à leur tour, et ne franchiront pas la limite extrême, variable pour chaque espèce, mais fatale pour toutes, que la nature a imposée aux êtres organisés.

III. — Flores insulaires.

Les naturalistes ont toujours étudié avec prédilection les flores des îles, où, dans un espace circonscrit, la nature leur offrait un petit

  1. Quercus robur.
  2. Ulex europœtis.
  3. Calluna vulgaris, Erica vagans, cinerea, cUiaris et tetralix.
  4. Pleris aquilina.
  5. Malhiola sinuata, Coiwolvulus soldanella, Cynanchum acutum, Diolis candklissima, Euphorbia pamlius, Ephedra vulgaris, Pancrattum maritimum, Lagurus ovattts, etc.