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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/655

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LES MIGRATIONS VÉGÉTALES.


Terminons par l’examen d’un archipel important de l’hémisphère sud, celui de la Nouvelle-Zélande. On y compte environ mille phanérogames. Sur ce nombre, 507 sont propres à ces îles, 193 leur sont communes avec le continent le plus voisin, l’Australie; 89 existent également dans l’Amérique du Sud, et 77 se retrouvent à la fois dans le Nouveau-Monde et en Australie; 60 sont des espèces européennes, et 50 sont disséminées dans les régions antarctiques, savoir les Falkland, Tristan d’Acunha, les îles Saint-Paul, Amsterdam, de Kerguelen, Auckland, Campbell et la Terre-de-Feu. Cette statistique, due à M. Dalton Hooker, nous rappelle celle des archipels atlantiques que nous avons examinés précédemment. En analysant ces élémens numériques, on est frappé de nouveau par cette anomalie, que le plus grand nombre des espèces de la Nouvelle-Zélande ne se retrouvent pas sur le continent le plus rapproché, l’Australie, et que d’autres existent aussi dans l’Amérique du Sud, séparée de la Nouvelle-Zélande par le tiers de la circonférence du globe. En Australie, les forêts se composent exclusivement de ces acacia et de ces eucalyptus si communs actuellement dans les jardins du littoral de Nice; aucun de ces arbres n’est spontané dans les forêts de la Nouvelle-Zélande. Cependant le climat ne leur est pas défavorable, car les individus introduits de la Nouvelle-Hollande y prospèrent admirablement. Les plantes européennes sont presque toutes aquatiques, côtières ou littorales; mais rien dans l’organisation de leurs graines n’explique ce transport d’un hémisphère à l’autre. Les espèces américaines, parmi lesquelles nous remarquons un arbre[1] et plusieurs espèces de fuchsia et de calcéolaires, formes bien connues des amateurs de jardins, n’existent ni en Australie, ni sur aucun autre point du globe, en dehors de la Nouvelle-Zélande et des parties tempérées de l’Amérique du Sud. Ces singularités se reproduisent sur les plus petites îles; celle qui porte le nom de lord Howe est située entre la côte orientale de l’Australie et l’extrémité septentrionale de la Nouvelle-Zélande. Les végétaux caractéristiques de l’Australie y font absolument défaut, mais l’île renferme cinq espèces de palmiers qui lui sont propres et appartiennent vraisemblablement au genre Seaforthia. Les autres plantes sont celles qui se retrouvent dans l’île voisine de Norfolk, à laquelle nous devons le pin de même nom[2].

Les faits que nous venons de passer en revue soulèvent bien des problèmes. Le lecteur éclairé ne s’attend pas sans doute à ce que la science puisse fournir à chacune de ces questions une réponse pré-

  1. Edwardsia grandiflora.
  2. Araucaria excelsa.