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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/676

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doute en l’affirmant infaillible en présence de complications extrêmes, mais en regrettant de ne l’avoir pas vu opposer à des périls qu’il aurait prévenus sans doute, c’est celui vers lequel l’esprit public commence enfin de se tourner avec espoir, non-seulement en Danemark, c’est-à-dire dans le pays actuellement le plus menacé, mais aussi chez les deux autres nations sœurs. Puisque nous sommes dans un temps qui se vante de respecter les nationalités, pourquoi les peuples scandinaves ne nous prennent-ils pas au mot? Pourquoi ne réclament-ils pas le bénéfice des théories qu’affichent l’opinion et même la diplomatie européenne? La condition inévitable pour se faire compter à cette heure, c’est de déployer aux yeux de tous son drapeau national; si l’on est plusieurs ayant droit à ce drapeau, c’est de s’unir étroitement pour le tenir haut et ferme, et ne s’entendre pas dire au moment du danger: « Comment vous aiderions-nous, si les vôtres ne vous aident pas? » Est-ce le Danemark tout seul qui appelle à son secours? L’Europe, quelques titres qu’il ait aux sympathies, n’a pas souci d’un si petit royaume. Est-ce la Norvège ou la Suède que menace la Russie par le nord? Si elle n’y a pas d’autre intérêt, l’Europe est d’avis que ce sont là des questions obscures, chétives, lointaines; elle se dit que le principe de non-intervention est des plus salutaires, et qu’après tout les Russes sont redoutables. Il en serait autrement, à n’en pas douter, si l’on entrait dans sa théorie nouvelle. Elle se vante de respecter les nationalités : eh bien ! que ce ne soit plus le Danemark isolé qui réclame ses droits; que trois voix au lieu d’une affirment la nationalité scandinave, l’Europe sera plus attentive, et l’ennemi plus réservé.

Supposez l’union des trois états du nord accomplie avant les derniers événemens, — très probablement ils n’auraient pas eu lieu. D’abord les forces militaires, du côté de la défense, auraient été accrues. Les ressources maritimes surtout sont à considérer. La Prusse ne possédait en 1865 que 2 vaisseaux cuirassés et 31 navires à hélice, tandis que les trois états du nord réunis comptaient 9 vaisseaux cuirassés, 40 navires à hélice et 15 à roues. Avec cet effectif, ils pouvaient ensemble susciter à l’ennemi beaucoup d’obstacles. L’armée envahissante ne se hasardait pas à travers tout le Jutland, à moins de s’être emparée d’abord de tous les points fortifiés de la côte; elle était obligée de surveiller avec inquiétude et difficulté les lieux de débarquement, puisque la flotte scandinave se voyait en état de jeter à l’improviste des troupes capables de couper la retraite. Dût-elle n’être pas de longue durée, cette résistance donnait le temps à l’opinion de s’éclairer, à la diplomatie de se concerter, aux gouvernemens d’agir, non plus pour un petit pays d’un million et demi d’habitans, peu capable de nuire ou d’être utile,