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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/882

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THEORIE NOUVELLE
SUR LA CREATION

La Création, par M. Edgar Quinet ; 2 vol. in-8o. Paris 1870.

Il y a trente ans, M. Edgar Quinet publiait trois grands poèmes en prose et en vers : Ahasvérus, Napoléon et Prométhée. Son imagination puissante l’a conduit de l’histoire à la poésie, ou plutôt à la poésie par l’histoire. Passionné pour les interprétations et les symboles, il a cherché à représenter sous les traits de ces hommes, qui touchent à la légende autant qu’à la réalité, l’idée métaphysique qu’il a conçue du développement de l’humanité. Le Juif errant personnifie le genre humain depuis l’ère chrétienne, la vie turbulente et voyageuse de l’homme nouveau. Les souffrances de Prométhée nous apprennent, sous une forme allégorique, le drame de la foi et du doute, de Dieu et de l’homme. Aux yeux de nos contemporains, Napoléon est sans doute un peu descendu de sa gloire poétique pour rentrer dans le domaine de la rude histoire. Il n’en a pas moins pu représenter à un moment fugitif la démocratie et la révolution, être pour celles-ci ce que Charlemagne est devenu pour la poésie féodale. Ahasvérus était l’homme éternel, le poème de Napoléon a pour sujet l’homme individuel, le héros. Aucun de ces ouvrages ne forme un simple récit, tous sont les vastes conceptions d’un esprit qui ne sépare point l’homme de la société, ni la société de la nature, et dont l’inspiration est souvent heureuse, toujours élevée et grandiose.

Un dessein plus vaste encore a tenté l’imagination de M. Quinet. Ce n’est plus dans un homme qu’il a voulu incarner l’humanité, il