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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/121

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cœur battît dans toute la France. L’entente subsisterait-elle après la ruine des espérances qui l’avaient cimentée ? On devait le croire, surtout devant les nouveaux devoirs qui en faisaient une nécessité plus pressante que jamais, et que le rétablissement des communications permettait du moins de remplir en commun. Ce n’était qu’une dernière illusion. L’antagonisme s’est réveillé entre Paris et la province dès qu’ils se sont retrouvés en présence ; au bout de peu de jours, ç’a été un véritable divorce, et bientôt la plus absurde comme la plus affreuse des guerres civiles. Par quelles causes les esprits se sont-ils divisés, les cœurs se sont-ils aigris à ce point d’ajouter ce suprême malheur à tous les désastres qui nous accablent ? Le mal n’est pas nouveau ; les tristes événemens qui se sont succédé depuis neuf mois n’ont eu pour effet que d’en retarder, puis d’en aggraver l’explosion. Il importe d’en rechercher les racines dans le passé, si l’on veut y porter plus sûrement remède.


I.

Plus d’une fois déjà Paris, sous la domination d’un gouvernement insurrectionnel, s’est trouvé en lutte avec le gouvernement légal de la France, établi momentanément en province. Les malheurs de cette année semblent, à bien des égards, la répétition de ceux qui s’étaient accumulés sur notre territoire il y a un peu plus de cinq siècles. La France avait été envahie et vaincue, son souverain fait prisonnier, plusieurs de ses provinces étaient occupées. Une assemblée nationale avait été réunie pour aviser au salut du pays. Les discussions les plus violentes s’élevaient entre ses membres, et passionnaient au-dehors tous les esprits. Une émeute éclata dans Paris, et s’en rendit maîtresse. Le chef de l’état et une partie des députés se transportèrent dans une ville voisine. Paris se constitua en commune indépendante, et invita les autres cités à suivre son exemple. Les bourgeois s’armèrent, des aventuriers de tout pays se mirent à leur solde ; la guerre civile sévit autour de la capitale, et l’autorité légitime n’y fut rétablie qu’à la suite d’un long siège. Toutefois les analogies sont plus apparentes que réelles entre les révolutions de 1357 et de 1871. La première n’est pas proprement parisienne ; elle est la revendication violente et prématurée de droits déjà chers à toute la bourgeoisie française, et qui ne restent pas en-deçà des libertés conquises quatre siècles plus tard. Si elle est suscitée par le prévôt des marchands Étienne Marcel, elle trouve faveur dans les états-généraux, non seulement parmi les députés qui se sont renfermés dans Paris, mais parmi ceux qui ont suivi le dauphin à Compiègne. Les assemblées provinciales embrassent en partie sa cause. Les campagnes, loin d’obéir à des passions