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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/133

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victoires, et d’un orchestre à l’autre on se répondra ces mots : « répétez-nous encore ces heureuses nouvelles. » L’auteur ajoute que le peuple, retenu par le charme, dînera sur l’herbe, se mettra à danser. « La nuit, ajoute le rapporteur, surprendra le peuple dans l’ivresse de la joie et du bonheur ; quelques milliers de fusées volantes, nobles et vives images de l’élan républicain à l’escalade de la tyrannie, s’élèveront dans les airs, qu’elles embraseront, et, en y attirant tous les regards, elles feront cesser les jeux et les amusemens de la jeunesse, sans laisser apercevoir qu’elles les interrompent ; des illuminations traceront aux citoyens le chemin de leurs foyers, et ce sera en chantant quelque refrain chéri qu’ils y retourneront. » L’assemblée applaudit ce travail, en ordonna l’impression, — approbation qui achève de donner à ce rapport toute sa portée.

Les fêtes révolutionnaires devaient avoir leur face religieuse. On voulait remplacer le catholicisme ou lui faire du moins concurrence. Or point de religion sans culte, et quel culte sans un certain luxe de cérémonies et d’appareil ? Le protestantisme, il est vrai, avait en partie rejeté ce luxe. Il avait ôté aux temples leurs tableaux ; il s’était privé, pour ne laisser place qu’à la parole et au chant, aux sons de l’orgue, de tous ces moyens de parler aux yeux. Il avait renoncé à ces pompes pleines d’éclat, si souvent touchantes, que Diderot décrit et défend dans une page brillante et émue, où il avoue l’effet qu’elles produisaient sur lui. La révolution parut plutôt incliner vers l’idée d’une certaine magnificence dans ses essais de culte, quoique l’on trouve aussi dans d’autres tentatives, comme la théophilanthropie, l’absence presque complète de toutes ces pompes extérieures. Le premier grand essai de culte tenté par la commune de Paris admet les cérémonies, les fêtes. Qu’il y eût d’ailleurs dans ce fameux culte de la Raison les élémens d’une religion, il serait absurde de le prétendre. La révolution s’imagina qu’on pouvait créer des religions sans avoir le sentiment religieux. Une religion sans ciel, sans amour, sans mystère, qu’est-ce, sinon le plus insoutenable des paradoxes ? Une religion sans une communication perpétuelle et comme une conversation familière avec l’être réel, vivant, le seul Dieu que le genre humain puisse vénérer, adorer, auquel il puisse soumettre ses pensées et ses actes, n’est-elle pas condamnée à perdre même son nom ? Charger des condillaciens, des voltairiens sceptiques, tout au plus déistes, ou des athées, de s’entendre sur les moyens de donner une religion, un culte aux populations, ce fut assurément une idée étrange. Donner à ce culte pour objet la raison en fut une plus singulière encore, quand on songe surtout à la seule signification que le mot de raison pouvait avoir dans la pensée et dans la langue de l’époque. Ce mot de