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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/205

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extraordinaire de notre exportation, soit en marchandises, soit surtout en valeurs ?

L’importation des marchandises ayant en effet surpassé l’exportation, c’est à la vente des titres au dehors qu’est due cette baisse rapide de l’or et du change après la hausse momentanée des premiers jours. La sortie des valeurs, les arbitrages de place à place, ont prévenu la sortie du numéraire en trop grande proportion et évité au commerce et à l’industrie des pertes sans compensation. Quant à la promptitude avec laquelle ils se sont relevés eux-mêmes, les chiffres de l’administration des douanes en témoignent éloquemment. En 1871, malgré l’insurrection de Paris, l’importation atteint le chiffre de 3 milliards 393 millions, et l’exportation celui de 2 milliards 865 millions, ensemble 6 milliards 258 millions. En 1869, les deux sommes réunies ne s’élevaient qu’à 6 milliards 224 millions, et c’est dans cette année même que l’exportation avait dépassé tous les chiffres antérieurs. On peut donc être émerveillé des efforts de l’industrie française, concentrés sur les derniers mois seulement de 1871. Or l’impulsion une fois donnée ne s’est pas encore ralentie, et le premier trimestre de 1872 offre les mêmes résultats. La valeur des importations est de 927 millions contre 783 en 1870, et celle des exportations de 860 contre 750. Ne semble-t-il pas, à récapituler ces sommes, que le gigantesque mécanisme de notre atelier national, arrêté brusquement par la guerre, ait d’un seul coup, comme le balancier d’une horloge sous la pression du doigt, repris sa marche régulière sans qu’un seul rouage ait été lésé ou rompu, et même avec une activité plus soutenue et plus féconde ? Mais il ne suffit pas que les besoins soient plus grands et plus immédiats pour que le travail recommence son cours entravé, il faut que les moyens abondent, que les instrumens se présentent, en un mot que le capital ne fasse pas défaut. Cette abondance du capital, la hâte avec laquelle il s’est prêté après, on pourrait dire pendant les événemens de 1870-1871, à subventionner le travail, ne sauraient être assez remarquées.

Lorsqu’on écrira l’histoire administrative et financière de ces dernières années, à côté de marques regrettables de désordre et de faiblesse, on signalera des faits consolans pour notre patriotisme : on fera ressortir la régularité avec laquelle les impôts n’ont cessé d’être perçus et les services publics assurés. Aucun des ministères dont les délégations ont émigré de Paris à Tours et à Bordeaux n’a manqué de payer ses dépenses et d’entretenir ses fonctions[1]. Le

  1. Le fonctionnement régulier du service des prisons est une nécessité d’ordre public. Nulle part en 1870-1871 il n’a été interrompu. Les abonnemens avec les entrepreneurs du travail des maisons centrales, les appointemens des employés ont été soldés par les receveurs des départemens voisins ou par des agens consulaires. Dans les maisons centrales du Haut et du Bas-Rhin, les fonctionnaires se sont soumis tout d’abord aux plus dures privations plutôt que de recevoir l’argent que leur offrait l’administration prussienne ; c’est le vice-consul de France à Bâle qui leur a fait ensuite parvenir les sommes nécessaires. Pour la maison centrale de Poissy, on alla chercher les fonds à Amiens, puis à Lille, enfin à Caen.