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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/265

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entreprenant. Les Américains du Nord, dont l’exemple est plus utile à citer qu’honorable à suivre, étaient tellement convaincus de leur impuissance à empêcher la sortie d’un corsaire, qu’ils n’hésitaient pas, au mépris de toute loyauté, à violer le droit des gens en faisant, le 5 octobre 1864, attaquer de nuit et enlever par le Wassuchet le navire confédéré la Florida, à l’ancre sur la rade de Bahia.

L’influence exercée par la croisière de notre flotte sur l’esprit des marins ennemis, peu disposés à une lutte maritime, a seule pu empêcher leurs cuirassés de la Jahde d’entreprendre une campagne contre notre commerce de l’Atlantique. Des publicistes allemands ont depuis la paix attribué cette inaction aux ordres du gouvernement, désireux de consacrer le respect sur mer de la propriété privée. De telles assertions supportent difficilement l’examen. La capture de la marchandise ennemie sous pavillon ennemi a été admise de tout temps et dans tous les pays ; elle a été reconnue pour la dernière fois lors de la paix de 1856, et la Prusse au même titre que la France était représentée dans le congrès de Paris. Devons-nous nous arrêter un instant à la pensée que le gouvernement allemand ait voulu pendant cette guerre affirmer sa théorie du respect de la propriété privée ? En face des ruines qui couvrent notre sol, au lendemain d’une histoire qui compte des millions d’acteurs et de témoins parmi nos compatriotes, une pareille explication ne peut être qu’une ironie.

La présence de la flotte ennemie dans la Mer du Nord était pour notre commerce, avons-nous dit, un danger que le blocus pouvait difficilement conjurer, si les Allemands montraient quelque esprit d’audace. Depuis la marche des armées ennemies sur la capitale, le seul objectif de notre escadre était devenu la Jahde, et de la combinaison d’un débarquement sur le littoral de la Baltique nous en étions arrivés aux éventualités d’un blocus ou d’une attaque de vive force dans des passes sinueuses privées de tous les amers indispensables à la navigation. Si, au début de la belle saison, avec une escadre de petits navires de combat, une pareille attaque avait quelques chances de succès, à la veille de l’hiver, quand les préparatifs étaient arrêtés par un devoir sacré, celui de concourir à la défense du territoire, le seul rôle de la flotte française devenait le blocus.

En supposant les moyens d’attaque réunis en nombre suffisant et dans une saison propice, quelle suite aurait-on pu donner à un mouvement sur la Jahde ? L’escadre allemande eût-elle quitté le mouillage de Wilhelmshaven pour remonter et chercher un abri plus éloigné ? Quel eût été le résultat de la lutte entre notre flotte et les défenses de toute nature établies à l’entrée du fleuve ? De