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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/420

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La modification de notre loi commerciale produirait sur les gouvernemens et sur les peuples, du ralentissement forcé qui s’ensuivrait dans nos opérations d’échanges. En outre a-t-on songé à l’influence que l’aggravation du tarif pourrait exercer sur nos rapports avec l’Alsace-Lorraine, rapports que la France est si intéressée à conserver et à protéger ? Nous convient-il donc de repousser tout à fait l’industrie alsacienne vers le marché allemand ? Il y a certainement bien d’autres motifs qui conseillent de ne point taxer les élémens du travail, alors que la France a plus que jamais besoin de travailler, de ne pas altérer le régime libéral inauguré par les traités de 1860, traités qui nous ont été incontestablement avantageux, et de laisser le tarif en dehors des combinaisons fiscales auxquelles les circonstances nous, obligent à recourir. À ces motifs généraux, tirés de la doctrine et de l’expérience, s’ajoutent les considérations particulières qui viennent d’être indiquées.

Quoi qu’il en soit, le nouveau budget de la France offre toute sécurité aux souscripteurs, de l’emprunt et à l’Allemagne. Le succès de l’emprunt va décider de notre libération. Il nous permettra d’invoquer utilement les dispositions du traité du 29 juin qui stipulent les paiemens anticipés, l’évacuation plus prompte et la substitution des garanties, financières aux garanties territoriales. Que le drapeau étranger cesse de flotter sur le sol national, c’est le désir passionné de la France, c’est l’intérêt de l’Allemagne. Cet intérêt, nous l’avons exposé simplement et froidement, comme il convient dans une question, qui se débat entre créancier et débiteur, car pour l’Allemagne il n’y a vraiment pas d’autre question. Encore un peu de temps, moins de temps qu’il n’en a fallu à la suite des désastres de 1815, et les efforts incessans de M. le président de la république recevront leur récompense. Cinq mois après le traité de Francfort, les conventions de Berlin nous ont rendu, six départemens ; le traité de Versailles libère immédiatement la Marne et la Haute-Marne. Quelles que soient les difficultés ou plutôt les malentendus de la politique intérieure, M. Thiers ne saurait perdre un seul instant de vue la mission de délivrance qui sera son titre incontesté à la gratitude du pays et aux hommages, de l’histoire. A peine une convention, est-elle signée, qu’une autre se prépare. Le traité de Versailles et l’emprunt sont les préliminaires des négociations définitives qui nous rendront des frontières en affranchissant, la patrie qui nous reste.


C. LAVOLLEE.