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et d’intervention qui sont parfois refusés aux agens de l’administration. Entre confrères ou concurrens, les fraudes ne se dissimulent pas aisément. Avant d’en appeler à la loi, les chambres donneraient aux délinquans d’efficaces avertissemens. Les pénalités que la commission propose d’appliquer aux contraventions seraient d’utiles sanctions de ce premier blâme. D’après le projet, les patrons pris en faute devraient être traduits devant le juge de paix, et passibles d’amendes variant de 25 à 200 francs ; en cas de récidive, ils seraient renvoyés au tribunal de police correctionnelle, qui pourrait prononcer des amendes ne dépassant pas 500 francs, et ordonner l’affiche du jugement ou l’insertion dans des journaux de la localité.

Il faut enfin mentionner une importante disposition relative aux apprentis. La condition de ceux-ci est régie par la loi spéciale du 4 mars 1951 ; or cette loi est sur plusieurs points en désaccord avec celle de 1841. Tandis que cette dernière fixe à huit ans l’âge d’admission, et à huit heures la journée des enfans de huit à douze ans, la loi de 1851 n’établit pas d’âge minimum, et prescrit seulement que les apprentis au-dessous de quatorze ans ne pourront travailler plus de dix heures par jour. En ce qui concerne l’instruction, mêmes divergences. La loi de 1841 exige la fréquentation de l’école par les enfans des manufactures ; celle de 1851 se contente d’édicter en termes vagues que, si l’apprenti de moins de seize ans n’a pas terminé son éducation scolaire, le patron doit lui laisser deux heures de liberté par jour pour ses études. Le nouveau projet supprime ces contradictions en étendant aux apprentis l’application de la loi protectrice du travail des enfans. Les règles relatives à l’âge d’admission, au travail de nuit, aux ouvrages dangereux, au repos du dimanche et des jours fériés, à l’obligation scolaire, seraient les mêmes pour tous.


III

Dans l’ordre de faits qui nous occupe, la loi ne saurait réaliser que la moitié du bien : elle peut garantir les enfans contre des fatigues excessives, les mettre dans des conditions matérielles favorables à leur développement physique et intellectuel ; mais c’est à la bonne volonté des patrons, aidée par celle des familles, qu’il appartient de compléter l’œuvre du législateur. Si les parens ou les patrons ne veillent pas sur les enfans, les heures que ceux-ci passeront hors de la fabrique seront mal employées. Il aurait encore mieux valu les tenir à l’atelier que de les laisser errer sans surveillance dans les champs ou les places publiques. C’est là une des