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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/514

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un système de culture temporaire, qui ne met en valeur la même terre qu’une année sur vingt, et qui passe d’une partie à l’autre du territoire, le partage annuel des terres est chose naturelle et presque nécessaire. Les travaux de mise en valeur sont si simples que cette répartition ne peut en aucune façon leur nuire. Le mode de tenure est en rapport avec le mode d’exploitation.

Les Germains cultivaient principalement la céréale qui occupe le moins longtemps le sol et qui s’accommode le mieux des terrains nouvellement défrichés, l’avoine. Comme il suffit de la semer au printemps, elle échappe aux rigueurs de l’hiver ; elle convenait donc au climat alors si froid de la Germanie. Pline nous apprend que les peuples de cette contrée vivaient uniquement de brouet d’avoine ; c’était également la nourriture principale des Écossais autrefois, et elle est encore aujourd’hui celle des montagnards des highlands. Les Germains cultivaient aussi l’orge d’été pour en faire, comme dit Tacite, une liqueur fermentée qui ressemble un peu au vin, c’est-à-dire de la bière. L’observation de Pline est exacte en ce qui concerne les céréales ; mais c’est aux animaux qu’ils demandaient la plus grande partie de leur subsistance. « Ils mangent des fruits sauvages, du gibier et du lait caillé, » dit Tacite. « Ils vivent principalement, dit César, de lait, de fromage et de viande. » Ils étaient donc encore chasseurs et pasteurs plutôt qu’agriculteurs. Ils avaient des troupeaux nombreux, mais mal entretenus et de qualité médiocre ; c’était leur principale richesse.

Pour chasser, il fallait les profondeurs de la forêt commune, où abondaient alors, outre le cerf et le chevreuil, de grands animaux aujourd’hui disparus, le renne, l’élan et l’aurochs. Pour entretenir le bétail, il fallait le pâturage commun, qui se composait des prairies permanentes situées dans les vallées et des terrains vagues ou jachères, dix-huit ou dix-neuf fois plus étendus que le terrain cultivé temporairement. Non-seulement tout le territoire était la propriété indivise du clan, mais la jouissance collective s’étendait à peu près sur le tout. Une petite partie seulement était l’objet d’une occupation privée pendant un an. La tenure qui caractérise le régime pastoral embrassait encore la superficie presque tout entière. La tenure propre au régime agricole, la propriété héréditaire, ne s’appliquait qu’à la maison et à l’enclos attenant, comme à Java et en Russie. C’était là la terre salique, qui se transmettait par succession aux enfans mâles et aux proches, mais dont les femmes n’héritaient pas. L’enceinte entourée de haies vives ne pouvait être franchie par personne contre le gré de celui à qui elle appartenait. Dans ce domaine sacré, il était souverain. Dans sa demeure, chacun est roi, dit le proverbe anglais.

Nous avons peu de détails sur la façon dont se faisait