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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/564

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proportion notable l’adhérence et la surface de chauffe, par suite d’allonger la chaudière et d’augmenter le poids de tout l’appareil. La machine Eogerth du Sommering, souvent modifiée depuis les premiers essais, s’offre maintenant sous forme d’une locomotive à huit roues couplées d’un poids de 43 tonnes environ et de 155 mètres de surface de chauffe. Les roues sont très basses ; elles n’ont que 1m,10 de haut. C’est un engin colossal comme pesanteur et comme puissance de traction. Cependant les ingénieurs français sont encore allés plus loin. La compagnie d’Orléans met en marche sur sa ligne d’Aurillac à Murât une machine à dix roues couplées, pesant 57 tonnes et ayant 210 mètres de surface de chauffe ; ce moteur remorque une charge de 150 tonnes sur une rampe de 30 millimètres. Une locomotive à marchandises du type ordinaire traîne aisément 600 tonnes sur une voie horizontale[1]. Que l’on juge d’après cela ce que perdent les compagnies à exploiter les chemins de fer situés en pays de montagnes ! D’ailleurs il n’y a pas que la traction qui soit fort chère sur les sections de ligne d’un profil très accidenté. Ces énormes masses de métal, même circulant à petite vitesse, détruisent les rails, écrasent leurs bandages, et, si par malheur elles déraillent, c’est un travail prodigieux que de les remettre sur la voie. La substitution de l’acier an fer remédie en partie à ces inconvéniens ; toutefois on peut considérer comme acquis que les rampes de 30 millimètres sont le maximum d’inclinaison que la locomotive ordinaire puisse franchir, et que même vers cette limite extrême les dépenses d’exploitation croissent hors de proportion avec les résultats obtenus. M. Jacqmin l’affirme, et nous l’en croyons volontiers, il faut d’autres systèmes que la machine locomotive actuelle pour résoudre le problème de la traction sur les rampes supérieures à 30 millimètres que les chemins de fer de montagnes seront parfois obligés d’adopter.

Quand il fut bien avéré que les locomotives circulent sur des voies ferrées à pente rapide et dans des courbes à court rayon, on se demanda pourquoi elles ne se traîneraient pas aussi bien sur les routes de terre, au milieu des piétons et des voitures. Toutefois il est vrai de dire que le public ignorant s’est montré plus pressé que les ingénieurs d’en faire l’expérience, car ceux-ci se doutaient que la machine à vapeur est trop lourde pour se mouvoir avec vitesse sur une chaussée de niveau irrégulier et trop délicate pour en supporter les cahots. Il y eut cependant quelques essais tant en France qu’en Angleterre. Le résultat le plus clair est qu’il faut

  1. Les compagnies de l’Est et du Nord emploient des machines du type Engerth sur leurs lignes principales pour remorquer des trains de 500 à 600 tonnes qui parcourent de longues distances sans arrêt, par exemple les trains de houille à destination de Paris.