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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/655

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trois ou quatre montagnes fort élevées, exactement pareilles par la hauteur et par la forme à un pudding aux herbes. Vous vous faufilez entre elles et une rivière qui serpente par des angles obtus dans un chenal en pierre et qui est alimentée par une pompe : quand il y viendra des coquilles de noix, je suppose qu’elle sera navigable. Dans un coin renfermé par des murs de craie s’étale une carte d’échantillons qu’on dirait empruntée à un tailleur : il y a une bande de gazon, une autre de blé et une troisième en friche, exactement dans l’ordre où sont rangés les lits dans une chambre d’enfans. » Le sujet l’anime et, dans un dessin comique, le voilà qui figure les trois bandes, le bois très champêtre, la rivière, le canal, les deux montagnes de 12 pieds de haut, le mont Olympe avec un temple au sommet, la laiterie avec une façade à l’italienne, la terrasse avec une vue superbe sur les serres et sur un tas de fumier, et au milieu, dominant le tout par ses proportions, la pompe qui alimente la rivière. « C’est quelque chose de si sociable que de pouvoir se serrer la main par-dessus la rivière, du sommet des deux montagnes ! Il n’y a qu’une nation aussi aimable qui ait pu l’imaginer. Ce n’en est pas moins une grande idée : on croit voir les dieux du Parnasse et de l’Ida, tirant leurs fauteuils au travers du continent et buvant un verre d’Hélicon à la santé de leurs bergères. »

Le luxe des grandes maisons de Paris ne trouve même pas grâce devant lui. Il le trouve écrasant, sans véritable élégance. Voulez-vous avoir une vue exacte sur l’intérieur d’un riche financier ? Entrez avec Walpole chez Laborde, le grand banquier de la cour. L’hôtel Laborde était situé rue Grange-Batelière : c’est aujourd’hui la mairie du IXe arrondissement. Les quatre tableaux de la salle à manger avaient été peints par Desportes et la plupart des peintures qui ornaient l’hôtel étaient l’œuvre de Lemoine, artiste d’un véritable talent, « n’en déplaise à Walpole, » comme dit le traducteur. Walpole se moque fort injustement de ces tableaux ; peut-être a-t-il quelque raison de railler le faste un peu lourd de la maison, ces bas-reliefs en marbre qui courent tout autour du grand cabinet tendu en damas rouge, comme pour donner à tout cela une apparence de légèreté, cette prodigalité de grandes armoires en écailles et or moulu, incrustées de médailles, les salles revêtues de glaces depuis le haut jusqu’en bas, cet amoncellement de tables en granit, d’urnes en porphyre, de vases, de bronzes et de statues. En véritable Anglais, il estime ce que chaque chose doit coûter ; pour chauffer et éclairer tout cela, Laborde ne dépense pas moins de 28,000 livres par an « en bois et chandelles. » — Les dîners qui se donnent dans ce palais sont en proportion. Ce sont de vraies fêtes