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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/72

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arrive un renfort de 150 hommes ; on en profite pour entreprendre de plus grosses expéditions, enlever des troupeaux et des esclaves. Des héros de ces aventures sont assassinés : on porte la guerre dans plusieurs provinces ; les incendies, les scènes de carnage, sont interminables. Les milices du fort Dauphin, manquant de subsistances, réduites aux plus dures extrémités, se trouvent sauvées par un homme d’une singulière énergie, La Caze, qui, devenu mari de la fille du seigneur de la vallée d’Amboule, exerçait une véritable puissance. La situation s’aggrave par la faute d’un missionnaire ; emporté par une ardeur furieuse, le père Étienne poursuivait à outrance, dans l’espoir de le convertir à la foi chrétienne, le chef de la région du Mandreré, le dernier ami des Français parmi les Malgaches. Il somme le prince de quitter ses femmes, il menace, il se livre à des violences, et, avec ceux qui l’accompagnent, il paie son audace de la vie. Les représailles doivent suivre ; Champmargou réunit tout son monde, marche contre le souverain de Mandreré, et se voit contraint de reculer. La troupe du fort Dauphin allait sans doute être anéantie, lorsque La Caze apparut, suivi de son peuple en armes, et sauva ses compatriotes. Délivrés, les prétendus colons ne manquent pas de satisfaire de nouvelles vengeances et de faire de nombreuses exécutions.

Ainsi finissait ce que l’on a nommé le premier établissement des Français à Madagascar. Un commissaire d’artillerie, qui eut sa part dans les expéditions et les combats des deux dernières années, Carpeau du Saussay, a raconté les détails de ces déplorables événemens[1]. À ce récit, Carpeau a joint une peinture de la grande île africaine, de ses habitans, de ses productions, il apprend peu de chose ; la peinture a été faite beaucoup plus d’après l’ouvrage de Flacourt que d’après l’observation de la nature. Le commissaire d’artillerie s’occupe volontiers des femmes, les trouve « passablement belles et d’un embonpoint prodigieux ; c’est ainsi que les aiment les grands. » Les habitans sont jugés de la même façon que par le premier historien de Madagascar. Notre auteur décrit les olis comme de petites boîtes à plusieurs trous contenant de la chair de quelque ennemi, du sang de serpent ou d’autres saletés ; il a vu le sacrifice d’un bœuf, l’enterrement d’un personnage, et il nous faut reconnaître que nous avons été déjà bien renseignés sur de semblables cérémonies.

Malgré une première tentative fort malheureuse, on continuait à désirer en France la possession de Madagascar. En 1664, Colbert

  1. Voyage de Madagascar, par M. de V…, commissaire provincial de l’artillerie de France, in-12. Une édition porte la date de 1722.