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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/731

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prophétie mystique du comte Joseph de Maistre s’est réalisée parmi nous : la révolution est une expiation !

Après avoir exposé dans toute son horreur le mal qui nous dévore, essayons de déterminer les chances de salut qui nous restent, et qui sont encore nombreuses et précieuses, si nous savons en user.


II

Un point essentiel est d’abord de ne se faire aucune illusion, et d’écarter absolument tout remède chimérique. Ce que j’appelle illusion ou remède chimérique, ce serait tout ce qui pourrait ressembler en quoi que ce soit à un retour vers l’ancien régime. Sans doute personne en France ne veut le rétablissement de la dîme ou des droits féodaux, et c’est une plaisanterie d’accuser un parti de telles prétentions. Cependant il est certainement des personnes, et même de bons et nobles esprits, qui ne reculeraient pas devant une religion d’état, une pairie héréditaire, des majorats, — enfin une royauté légitime. Il ne s’agit pas ici de discuter la valeur de ces institutions : elles ont pu être, elles sont encore, là où elles existent, de belles et bonnes institutions, je le veux bien ; mais parmi nous ce sont aussi bien des utopies que peuvent l’être les systèmes de Fourier et de Saint-Simon. C’est le lieu de répondre à l’école traditionnelle par les argumens mêmes dont elle se sert contre la révolution : c’est que les institutions n’ont de valeur et ne sont efficaces que lorsqu’elles ont des racines historiques dans un pays. Or quelles sont aujourd’hui en France les racines du régime aristocratique ? Elles sont complètement ruinées depuis 89, et alors même pourquoi ces institutions ont-elles disparu si vite ? Tous les publicistes sont d’accord là-dessus : c’est qu’elles ne vivaient plus ; les institutions aristocratiques, minées par deux siècles de monarchie absolue et radicalement détruites par la révolution, sont en France aujourd’hui ce que seraient les institutions de Lycurgue. On raconte que Hérault de Séchelles, ayant à rédiger la constitution de 93, a fait demander à la Bibliothèque nationale le livre des lois de Minos. Eh bien ! nos modernes rêvant une monarchie religieuse et aristocratique ressemblent à Hérault de Séchelles. C’est pourquoi il faut déplorer le jeu d’esprit qui consiste à nous inspirer de vains regrets, à nous donner de vains désirs pour un régime quasi patriarcal qui, bien loin de pouvoir nous convenir, tend à disparaître de l’Europe entière. Quelque beau que soit ce régime, il n’est plus, il ne peut plus être ; n’en parlons plus. La politique a pour objet le réel, le