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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/942

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est partout et elle n’est nulle part, elle est dans le sang, dans l’esprit, dans les idées, dans les habitudes ; c’est par là que la société française vit et se défend, et c’est ce qui explique aussi comment depuis longtemps les révolutions sont plus apparentes que réelles, comment le pays reste immobile, voyant tour à tour avec une certaine indifférence la république succéder à la monarchie ou la monarchie succéder à la république. Pourvu qu’on ne touche pas à cette constitution intime par laquelle il existe, il ne s’émeut point du reste. Il n’a d’opinion décidée que contre les restaurations d’anciens régimes et contre les aventures perturbatrices du radicalisme.

Que faut-il donc à ce pays ainsi fait, qui après ses dernières épreuves se retrouve avec ses instincts naturels de modération et les conditions permanentes de son existence ? Ce qu’il veut, ce n’est point à coup sûr qu’on l’agite encore pour des questions abstraites ou subtiles qui n’intéressent plus que quelques esprits, et dont les partis seuls se font une arme ; ce qu’il demande, c’est qu’on lui donne la paix, la sécurité dans sa vie de labeur, le contrôle sur ses affaires par une représentation sincère et indépendante, une liberté régulière dans ses délibérations, avec un gouvernement de prudence et de raison qui s’occupe surtout aujourd’hui de réparer ses ruines, de l’aider à se relever par une patiente reconstitution de ses forces. Est-ce qu’il n’y a point là toujours un terrain naturellement défini où toutes les opinions libérales, conservatrices, patriotiques, peuvent se rencontrer avec la confiance généreuse, avec la certitude d’assurer au pays les garanties et la direction dont il a besoin ? Est-ce qu’il n’y a point dans ces conditions tous les élémens d’une politique qui, patiemment suivie par le gouvernement et par l’assemblée, peut conduire la France au point où, définitivement affranchie dans son indépendance et réorganisée, elle n’aura plus qu’un nom à donner au régime sous lequel elle doit rester ? La république, elle a des chances sans doute, pourvu qu’elle ne prétende pas s’imposer et qu’elle respecte cette douloureuse convalescence de la société française, à la condition qu’elle sache se préserver des fanatiques et des incapables. Le radicalisme, tel qu’il apparaît, ne semble pas pour son malheur songer à se guérir de ces deux maladies du fanatisme et de l’incapacité. Quel est aujourd’hui et plus que jamais son mot d’ordre ? C’est la dissolution de l’assemblée. Or qu’arriverait-il, si l’assemblée se dissolvait, si un nouveau scrutin répondait à l’espérance des radicaux ? Cela est clair comme le jour, il en résulterait aussitôt pour la France les difficultés les plus graves, les plus menaçantes peut-être en présence d’une évacuation du territoire inachevée, — et voilà comment ces présomptueux révolutionnaires sont toujours prêts à sacrifier le pays à leurs passions ! Quant à la capacité administrative du radicalisme, elle éclate à coup sûr partout où il domine, et on en a eu récemment un spécimen assez curieux à Lyon. Il y avait eu l’an dernier à Lyon une certaine fête des écoles