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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/13

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les écoles. Ceux-ci l’accusent de trahison, ceux-là de modérantisme. Quoique d’opinions fort opposées, ils concourent tous également à ranimer les agitations qui s’apaisent. En ce sens, le fougueux orateur de Grenoble peut se dire l’allié des paladins de l’ancien régime et des organisateurs de pèlerinages. Les uns et les autres font de leur mieux pour entretenir les discordes civiles et pour perpétuer les anciens partis.


I

Il serait injuste de nier les services rendus à la cause de la liberté française par les groupes politiques qu’on désigne habituellement sous le nom d’anciens partis. Les anciens partis ont joué dans l’histoire contemporaine un rôle souvent utile et quelquefois glorieux. Ils ont donné, dans des temps difficiles, l’exemple de la fidélité aux principes et de la résistance à l’oppression ; ils ont soutenu la conscience nationale au milieu de ses plus grandes défaillances. Ils ont bien mérité du pays tant qu’ils ont mis de côté leurs anciennes querelles et oublié leurs rivalités dans un commun effort contre le despotisme ou contre l’anarchie ; mais, si ces rivalités s’éternisent quand elles ne sont plus pour le pays qu’une cause de trouble et de faiblesse, si chacun des anciens partis prétend dominer seul et imposer à la nation ses préjugés ou ses rancunes, les uns et les autres deviennent des ennemis publics, et tous les hommes de bon sens doivent s’écarter d’eux sans hésiter.

Tel est le rôle que ces partis jouent maintenant sans le vouloir. Grâce à nos innombrables révolutions, nous avons quatre ou cinq factions irréconciliables qui mettent leur point d’honneur à ne se rien céder et leur vertu à se haïr les unes les autres ; on les a vues, dans le cours d’un siècle, s’élever toutes, l’une après l’autre, sur la scène politique, et s’y succéder régulièrement comme les pièces d’un répertoire de théâtre, sans parvenir jamais à s’y maintenir. Il n’y en a aucune qui n’ait été mise à l’épreuve, aucune qui ne soit jugée et condamnée par l’opinion publique. Néanmoins chacune se croit seule destinée à sauver la France, et ne songe qu’à s’emparer du pouvoir à l’exclusion de toutes les autres. La naïve insolence de leurs prétentions n’a d’égale que la profondeur de leur impuissance. Elles ne répondent à rien de présent et de réel ; elles se rattachent à un passé qu’il est impossible de faire revivre, elles nourrissent des passions qui n’ont plus d’objet sérieux, et que tous les bons citoyens doivent s’efforcer d’éteindre. Elles n’offrent donc aucun point d’appui pour l’établissement d’un gouvernement durable ; le gouvernement ne peut se maintenir au milieu d’elles que par une