Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la parole de Luther. Rien ne change en ce monde ; il n’y a que des déplacemens de forces qui invariablement aboutissent toujours au même équilibre.


III. — AUXERRE. — PHYSIONOMIE DE LA VILLE. — SOUVENIRS DE LA CATHEDRALE.

Nous n’avons pas dépassé Beaune au midi de la Bourgogne ; de là nous avons brusquement détourné à gauche, pressé que nous étions de voir Autun. C’est donc de cette ville que nous devrions logiquement entretenir nos lecteurs ; mais, comme le désir de grouper ensemble les œuvres et les choses qui ont entre elles une certaine analogie, en nous entraînant toujours plus au sud, nous a fait abandonner deux villes importantes, Auxerre et Vézelay, mieux vaut retourner au nord et rejoindre Autun par un autre chemin. D’ailleurs nous pourrons toujours retrouver cette ville à l’entrée soit du Nivernais, soit du Bourbonnais, si nous nous décidons un jour à rassembler nos impressions sur l’une ou l’autre de ces provinces.

Si les paysages rustiques de la Bourgogne laissent quelquefois à désirer, il n’en est pas de même de cet autre genre de paysages que nous appellerons urbains faute d’un meilleur mot, c’est-à-dire de ces paysages qui sont formés par la position des villes et les reliefs résultant du hasard des constructions ou des accidens heureux de l’architecture des édifices. Nous avons déjà décrit les aspects de Joigny, de Tonnerre, de Semur, et Autun, que nous abandonnons aujourd’hui, nous présentera le modèle accompli de ce genre de paysages. L’aspect d’Auxerre est loin d’avoir la beauté de celui d’Autun, et cependant je ne sais trop s’il n’est pas plus original. Auxerre a cela de particulier, qu’elle ne doit rien de son agrément pittoresque qu’à elle-même, car la nature qui l’entoure ne lui prête aucun secours, privée qu’elle est de tout caractère. On ne peut dire que cette campagne soit laide, on ne peut dire qu’elle soit jolie, et nous ne saurions trop comment la définir, si la langue anglaise ne nous fournissait dans son adjectif de plain une nuance d’expression qui nous manque en français, it is a plain nature, a plain landscape. A la vérité, la superbe rivière de l’Yonne, toujours belle, toujours limpide, en quelque lieu qu’on la rencontre, l’Yonne, véritable reine de ce pays des cours d’eau maussades, — oh ! que les vieux Gaulois de ces contrées eurent bien raison d’adorer la déesse Icauna ! — jette aux pieds d’Auxerre quelque chose de ses trésors de verdure et de fraîcheur ; mais, comme cette rivière, à moins de descendre très près d’elle, se laisse mal apercevoir, le bienfait dont elle a gratifié la ville se trouve en grande partie perdu.

Auxerre en est donc réduite à ses monumens et à ses maisons ; eh