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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/284

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ne refusent pas l’honneur d’être la plus grande école de respect ! J’admire en vérité avec quel sérieux des hommes d’esprit se sont donné la peine de réfuter ces billevesées. Non, disent-ils gravement, vous voyez bien que cela est impossible. Supposé qu’il s’agit seulement de faire la guerre aux ultramontains, les convenances ne permettraient pas à des souverains de s’en mêler personnellement ; ce sont là de ces besognes qu’on abandonne aux ministres. Ne sait-on pas que l’empereur d’Allemagne est, de sa personne, bien autrement réservé que ses ministres dans les affaires ecclésiastiques ? Ne sait-on pas que le tsar est préoccupé du désir de renouer ses relations avec Pie IX ? Quant à l’empereur catholique d’Autriche, à qui donc fera-t-on croire qu’il est capable de conspirer contre sa propre église avec l’empereur protestant et l’empereur schismatique ? Qu’on n’essaie pas de refaire la sainte-alliance, fort bien ; mais faire une sainte-alliance en sens contraire, la sainte-alliance de l’irréligion et de la persécution, est-ce possible ? L’idée est si monstrueuse que la langue se refuse à l’exprimer ; il y a là des accouplemens de mots qui révoltent le bon sens. — Ainsi raisonne l’honnête publiciste de la Réforme, et, comme si ce raisonnement ne le rassurait pas, comme si ces réflexions, dont le seul défaut est d’être trop vraies, n’écartaient pas suffisamment l’idée de cette conjuration impossible, il s’écrie : « Après tout, si l’on conclut à Berlin une anti-sainte-alliance, une ligue impie et funeste contre la liberté de l’église, cette ligue est condamnée d’avance au plus misérable fiasco, car il y a quelqu’un dans les choses de l’église qui est plus puissant que tous les empereurs et tous les rois, c’est Dieu, à qui seul appartient le gouvernement des consciences. »

C’est seulement une partie de la presse qui avait attribué aux trois empereurs des projets hostiles à l’ultramontanisme ; il était plus naturel de penser que les dangers de l’ordre social dans l’Europe entière attireraient leur attention. L’ennemi des gouvernemens, quels qu’ils soient, l’ennemi de l’ordre et de la liberté, l’ennemi de tous les droits et le perturbateur de tous les devoirs, c’est l’esprit de révolution qui, ne sachant plus où porter ses coups dans une société fondée sur la justice, s’attaque à la société elle-même. Ne serait-ce pas à l’organe de cet esprit de ruine, ne serait-ce pas à l’Internationale que l’empereur d’Allemagne a pensé quand il a réuni à Berlin ses augustes hôtes ? Presque tous les publicistes allemands ont donné cette explication comme certaine. L’écrivain viennois que nous avons déjà cité ne saurait se ranger à cet avis. Qu’il ait dû être question de l’internationale dans les entretiens des trois monarques, assurément cela n’est pas douteux ; mais que le congrès impérial ait eu lieu principalement en vue de cette affaire, rien n’est moins probable. Au fond de ces questions sociales, exploitées