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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/338

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peut-être mieux, sans rien perdre des facultés de l’imagination ? On ne voit pas pourquoi les facultés de composition et d’invention ne s’exerceraient pas en français aussi bien qu’en latin, et, s’il y a quelque chose de vraisemblable, c’est qu’une lecture plus fréquente et plus étendue des textes doit donner une connaissance plus libre et plus familière de la langue. C’est d’ailleurs sur ces deux points que l’expérience prononcera ; on ne peut en préjuger le résultat.

Examinons cependant quelques-unes des objections que l’on oppose à la réforme nouvelle.

La principale de ces objections est celle-ci : on n’apprend pas le latin seulement pour savoir le latin, on l’apprend pour se cultiver l’esprit, pour développer ses facultés. Cette doctrine est très vraie ; mais il semble que ce soit précisément celle que le ministre veut exprimer lorsqu’il dit : « On n’apprend pas le latin pour le parler, ni même pour l’écrire ; on l’apprend pour le lire, » car c’est la lecture des anciens qui est un véritable aliment pour notre esprit ; c’est à la condition de les lire qu’on en tirera tous les fruits qu’ils peuvent donner. Or on peut lire les auteurs anciens soit pendant les études, soit après les études. Un grand nombre ne connaîtront jamais des anciens que ce qu’ils auront lu au lycée ; un petit nombre, les plus distingués, pourront continuer plus tard. Pour que l’on puisse dire que l’on a lu les classiques anciens au lycée, il faut évidemment que les explications soient très amples et très fréquentes ; il faut que la lecture des textes devienne un exercice capital dans les classes. Tout le monde est d’accord sur ce point : il n’y a pas assez d’explications, on ne lit pas assez d’auteurs, on ne les lit que par fragmens ; mais comment augmenter les explications sans diminuer les exercices écrits ? Quant à la lecture des auteurs classiques après le lycée, elle ne sera possible qu’à la condition d’y avoir été exercé dès le collège même, car ce n’est qu’en lisant les auteurs qu’on s’habitue à les lire ; ici encore, et pour la même raison, il faut faire la part la plus large à l’explication des textes, et par suite sacrifier d’un autre côté. On ne diminue donc en rien la culture de l’esprit lorsqu’on met les élèves plus en mesure qu’auparavant de lire les monumens de l’antiquité.

Mais, dira-t-on encore, ce n’est pas uniquement par la lecture que les devoirs latins cultivent l’esprit, c’est encore à deux points de vue : 1° comme exercices de langue, 2° comme exercices d’imagination. — Pour ce qui est du premier point, on ne voit pas en quoi la nouvelle réforme affaiblirait l’utilité du latin comme exercice de langue et comme gymnastique d’esprit. La comparaison des deux langues continuera de se faire comme par le passé, seulement elle se fera un peu plus fréquemment par la voie orale, un peu moins fréquemment par la voie écrite ; qui peut soutenir qu’il