Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait naturellement relégué dans le portefeuille des Scélérats[1].

Il serait trop long de relever ici toutes les innovations utiles, toutes les prudentes mesures qui signalèrent l’administration du successeur de Delacroix ; nous nous contenterons de choisir et d’indiquer celles qui eurent pour effet un accroissement notable des richesses du cabinet. L’acquisition en 1753 de la collection Lallemant de Betz mérite à ce titre d’être mentionnée, et, vu sa date même comme en raison de son importance, elle doit l’être en premier lieu.

La collection dont il s’agit est aujourd’hui généralement connue sous le nom de Collection d’Huxelles, bien qu’aucune preuve historique, que je sache, aucune probabilité même, ne justifie cette désignation. Leprince, il est vrai, dans son Essai sur la Bibliothèque du roi, publié en 1782, dit en parlant des estampes cédées trente ans auparavant à cet établissement par Lallemant de Betz, qu’elles « avaient appartenu au maréchal d’Huxelles ; » mais comment concilier une pareille assertion avec l’avis très explicite imprimé lors de la mise en vente de ces estampes en 1727, — avis portant en propres termes que la collection proposée aux amateurs avait été « formée par M. Rousseau, auditeur des comptes, » et qu’elle était « restée dans la bibliothèque du même M. Rousseau jusqu’à sa mort ? » D’où vient enfin que Joly, lorsque la Bibliothèque fut mise en possession de cette collection, dont il devait assurément connaître l’origine et l’histoire, ait écrit en tête du catalogue qu’il en dressa une note constatant que « M. Lallemant de Betz l’avait achetée 20,000 livres de M. Rousseau, » et qu’il n’ait dit mot du maréchal ?

Peu importe au surplus. Que la tradition, à tort ou à raison, ait fait intervenir en ceci le nom du maréchal d’Huxelles, ce qui demeure hors de doute, c’est la cession directe au cabinet des estampes ou plutôt le don par Lallemant de Betz des recueils qui lui avaient appartenu, c’est par conséquent le droit que l’on a, quant à l’exposé des choses, de s’en tenir à ce souvenir principal. Cependant, comme les mœurs du temps ne permettaient pas qu’un cadeau fût offert au souverain par un de ses sujets autrement qu’à titre de legs, on convint que la donation proposée prendrait les apparences d’un échange, et que le donateur recevrait, en compensation des objets dont il faisait l’abandon, « le recueil des figures du cabinet du roi, » plus quelques exemplaires « des éditions imprimées au Louvre. « Il y avait loin du chiffre que représentaient alors ces ouvrages à la somme de 20,000 livres payée autrefois par Lallemant

  1. Le prêt au dehors des recueils ou des pièces appartenant au cabinet des estampes continua d’être autorisé pendant les premières années du XIXe siècle. Vers la fin du premier empire, il devint le privilège exclusif de cinq ou six saisies ou hauts fonctionnaires. Aux termes des règlemens actuels, il est absolument interdit.