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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/397

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son insuffisance, et les premières années de son règne furent marquées par un système d’ajournemens, de tâtonnemens, de demi-mesures, qui ne pouvaient fonder rien de définitif. D’un côté, il accepta franchement le principe de la responsabilité ministérielle ; de l’autre, il se défia des hommes nouveaux, et le personnel où il eût aimé à recruter ses ministres lui fit souvent défaut. C’est le malheur des gouvernemens autocratiques d’épuiser assez vite ce qu’on peut appeler le stock disponible des hommes supérieurs et d’arrêter l’essor des jeunes talens. La plupart des conseillers de Guillaume II avaient été élevés à l’école de Guillaume Ier, honnêtes gens, incapables de tyrannie ou de dilapidation, mais très méticuleux, sans fortes convictions, sans grande initiative. Parmi ces ministres, il y en eut un toutefois, M. van Hall, qui montra de la hardiesse et du savoir-faire. La situation financière semblait désespérée, on se voyait à la veille de la banqueroute ; heureusement l’intimité plus grande entre le gouvernement et la nation rendait possible ce qui eût été chimérique sous le régime antérieur. Van Hall fit décréter par les états-généraux un emprunt forcé de 127 millions de florins[1], avec la clause qu’on essaierait d’abord du système des souscriptions volontaires. L’emprunt fut couvert librement, et ce fut un succès pour le gouvernement ; néanmoins la situation politique restait mauvaise. De nouveaux découverts avaient absorbé les ressources provenant de l’emprunt. Les libéraux, toujours guidés par la parole et la plume opiniâtres de Thorbecke, insistaient pour l’introduction des réformes dont la responsabilité ministérielle ne devait être que le prélude. En 1845, Thorbecke, qui était entré aux états-généraux, rédigea de concert avec huit de ses collègues un projet de révision qui sembla beaucoup trop radical au roi et à ses ministres. On proposait deux chambres, des élections directes pour la chambre des députés, la séparation de l’église et de l’état, le vote annuel et détaillé du budget. De vifs débats s’élevèrent dans les chambres, toujours nommées en vertu du vieux système, et le projet fut repoussé.

Aux élections qui suivirent, Thorbecke ne fut pas réélu. Un souffle de réaction avait passé sur les collèges électoraux. Non seulement les royalistes quand même, les réactionnaires orthodoxes ou romantiques de l’école de Bilderdyk ou du parti Groen, ainsi désigné du nom de son éminent directeur, combattaient avec acharnement les projets réformistes, mais de plus on voyait se constituer un parti conservateur, qui malgré ses défaites successives est resté considérable en Hollande. Ce parti se compose en majorité d’hommes fort honorables, libéraux tant qu’il s’agit de principes théoriques,

  1. Le florin de Hollande vaut au cours moyen 2 fr. 12 cent.