Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sainte-Anne a donné là un exemple qui devrait bien être suivi dans tous les hôpitaux et dans toutes les prisons.

Les salles de bains sont remarquables ; elles ne valent pas comme ampleur celles que nous avons admirées à l’hôpital Saint-Louis, mais elles sont munies de tous les appareils nécessaires pour appliquer facilement les différens systèmes de l’hydrothérapie ; des chambres pour les bains de vapeur, une étuve sèche pour les bains thermorésineux, une piscine, une salle spécialement réservée aux bains de pied, donnent occasion de varier à l’infini les essais du traitement balnéaire, auquel en ce moment on paraît attacher une importance exclusive. Une gymnastique dite de chambre, fortement scellée dans la muraille d’un large couloir bien éclairé, permet aux malades qui viennent d’être trempés dans la piscine, ou qui ont subi la douche froide, de faire « leur réaction. » Au demeurant, l’hydrothérapie spéciale appliquée aux aliénés se réduit à peu de chose ; ce traitement aquatique consiste en deux opérations fort simples et absolument identiques, quoique différentes : donner des bains déprimans aux surexcités, donner des bains surexcitans aux déprimés. Dans cet ordre d’idées, on a même été jusqu’à essayer les bains sinapisés.

Les réfectoires, très aérés, sont intéressans à parcourir ; on peut voir là combien la science est devenue humaine et constater les efforts que l’administration fait pour bien prouver à ces malades qu’ils sont des hommes, en leur témoignant une confiance presque toujours justifiée. Malgré les raisons d’économie et de prudence qui conseillaient la vaisselle d’étain, je n’ai aperçu que de bonnes assiettes en porcelaine, des verres en cristal, des fourchettes pointues, des cuillers ordinaires et des couteaux, — arrondis, il est vrai, d’une lame un peu molle, — mais enfin de vrais couteaux aptes à tailler le pain et à trancher la viande. Nul n’aurait eu tant de hardiesse il y a quarante ans, et nul aujourd’hui ne regrette de l’avoir. Dans le seul quartier des agités, les couteaux sont supprimés. Le régime alimentaire est purement scientifique, si l’on peut dire ; il a été établi d’après les doctrines professées par M. Payen, qui déclare, après expérience, que la nourriture d’un homme se livrant à un travail très modéré (à Sainte-Anne le travail est à peu près nul) doit contenir 310 grammes de carbone et 20 grammes d’azote ; or la nourriture est combinée de telle sorte qu’elle renferme : carbone, 310,02 ; azote, 20,06 ; de plus l’aliment plastique et fortifiant par excellence, la viande, domine et l’on ne fait maigre que le vendredi.

On pourrait croire que dans un asile aussi vaste, composé, pour chaque division, de six quartiers distincts, on a réuni ou séparé les malades selon le genre d’affection dont ils sont atteints ; il n’en est