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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/504

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promettre sa libération, — les radicaux lui proposent la dissolution immédiate de l’assemblée. S’il y a aujourd’hui en France une nécessité évidente, c’est d’accoutumer les esprits au respect de la loi, à une certaine stabilité, et déjà les journaux du parti crient bien haut que tout ce que fera l’assemblée, on le tiendra pour non avenu, on se hâtera de le défaire à la première occasion. La révolution, toujours la révolution, tel est le dernier mot ! Sait-on ce que c’est que le radicalisme dans son vrai sens, tel qu’il a été du moins jusqu’ici ? C’est, selon la parole de M. Thiers, la république devenue le gouvernement d’un parti au lieu d’être le gouvernement de tous, c’est la république agitée conduisant à la dictature d’un pouvoir qui se dit fort parce qu’il est sans contrôle. Et voilà pourquoi les radicaux, dont le portrait est si nettement dessiné dans le message de M. Thiers, comme il l’était récemment dans une lettre de M. Stuart Mill, seraient certainement les plus dangereux ennemis du régime dont ils ont la prétention d’être les représentans privilégiés.

Ainsi la république existe comme gouvernement légal du pays, elle doit rester essentiellement conservatrice, si elle veut vivre, c’est là tout le message de M. Thiers ; c’est dans ces termes que le problème se présente aux esprits qui se préoccupent d’imprimer à la situation un caractère nouveau de régularité et de durée, ce que M. Thiers appelle les « caractères désirables et nécessaires. » La solution ne peut évidemment venir des légitimistes qui contestent à la république jusqu’à son existence, ni des radicaux qui lui refusent la force conservatrice dont elle a besoin. Chercher cette solution, c’est le rôle de ces partis modérés des deux centres, qui sont appelés à être les médiateurs des opinions, les introducteurs naturels de ces mesures constitutionnelles dont la pensée est partout et dont la formule n’est nulle part jusqu’ici ; mais que ces partis modérés eux-mêmes y songent bien. Ménager de petits rapprochemens personnels, nouer de petites combinaisons, tenir des conciliabules, cela ne peut plus suffire désormais ; il faut de la netteté dans les idées, de la décision dans l’action. C’est à ce prix seulement qu’on peut rallier les esprits honnêtes et flottans, qui sont toujours nombreux dans une assemblée. Le centre gauche, dans une réunion récente où M. Casimir Perier, M. Ricard, M. Béranger, ont parlé avec un remarquable esprit politique, le centre gauche a montré qu’il avait le sentiment de la situation. Qu’il mette donc la main à l’œuvre sans laisser les questions s’égarer. M. Thiers l’a dit : « le moment est décisif ; » il est doublement décisif. D’un côté, l’assemblée ne peut plus éluder ces questions ; d’un autre côté, il est bien clair que, si on tergiverse, si l’on ne réussit qu’à partager la chambre en deux camps presque égaux, on arrive à une sorte d’acte d’impuissance qui peut compromettre l’existence même de l’assemblée. L’essentiel est donc de savoir clairement