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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/513

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Qui s’avance et qui fait sourire encor parfois
L’aïeul, sur les carreaux tambourinant des doigts.

Le groupe tout entier est là sur la terrasse.
Les deux musiciens s’agitent, non sans grâce ;
Chacun d’eux frappe sec le vibrant parchemin
De la main droite et fait jouer de l’autre main,
En soufflant de tout cœur, la musiquette vive
Du « galoubet, » qui n’est qu’une flûte naïve.
Long cylindre léger, le tambourin tremblant
Sous la baguette noire au bout d’ivoire blanc,
Suspendu par sa corde au bras qui tient la flûte,
A chaque coup frappé résonne une minute ;
Il frémit tout entier en de profonds accords,
Suit la flûte en sourdine et marque les temps forts,
Et cela fait un bruit de ménage en querelle :
Deux voix parlent ; tantôt c’est lui, tantôt c’est elle
Qui domine, disant : « Qui donc commande ici ? »
Et chacun, tour à tour, par un mot radouci,
Honteux d’être méchant, avec tendresse implore,
Et l’un s’est tu déjà que l’autre gronde encore…
Ainsi le tambourin sonne encore à la fin,
Quand la flûte a jeté son cri suprême et fin.

Les enfans tout joyeux, les servantes alertes,
Paraissent les premiers aux fenêtres ouvertes ;
La dame vient ensuite, et le maître du lieu ;
Le porteur de corbeille alors, grave, au milieu
Du groupe pavoisé des pieds jusqu’à la tête,
Demande « quelques sols pour les frais de la fêté, »
Et tend d’un air ami la corbeille en avant,
Dont les rubans, drapeaux mignons, vibrent au vent.

Dès qu’une pièce tombe au fond de la corbeille,
Le tambourin, content, s’exalte et s’émerveille
Du don trop généreux qu’on fait aux villageois ;
Mais la petite flûte alors, haussant la voix,
Exprime qu’après tout l’offrande est peu de chose,
Qu’on n’emplira jamais le joli panier rose
Et que le tambourin avec son « gramaci »
L’étonné, et qu’on n’est pas obséquieux ainsi.
Le tambourin répond : « Paix ! paix ! petite folle ! »
Et, voulant à tout prix lui couper la parole,
Il redouble d’entrain et force les accords,