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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/527

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risquer de troubler la paix publique. Les grands intérêts nationaux n’étant plus en souffrance, les petits intérêts particuliers commençaient à rentrer en scène. En même temps que les rivalités personnelles reparaissaient, certaines questions importantes par elles-mêmes, mais considérées longtemps comme secondaires, semblaient sur le point de revenir au premier rang. On parlait beaucoup de réformes administratives, commerciales et financières. On se passionnait contre les procédés et contre la composition même de l’administration du général Grant, qui n’était pourtant ni plus mauvaise, ni meilleure non plus que ses devancières ; on se plaignait du favoritisme traditionnel qui faisait réserver les places dépendantes du gouvernement fédéral aux seuls partisans de l’administration régnante, sans égard aux talens ni aux services rendus antérieurement au pays ; on combinait des plans de réforme du service civil pour rompre avec ces pratiques malheureusement invétérées depuis l’époque du président Jackson, le premier qui ait osé dire et ériger en maxime qu’en élection, comme en guerre, les dépouilles des vaincus appartenaient au vainqueur. De leur côté, les partisans du libre échange, entièrement opprimés depuis la guerre, s’élevaient avec vivacité contre les résultats détestables d’une politique de protection à outrance, poussée dans ces dernières années jusqu’à l’absurde, sous la double influence des nécessités fiscales et des intérêts manufacturiers des états du nord ; ils croyaient le moment venu de s’interposer entre les partis politiques, et de déployer leur bannière en entraînant à leur suite les habitans des grandes villes commerciales et maritimes avec les populations agricoles de l’ouest et du sud. Ces divers élémens, auxquels vinrent se joindre pour les exploiter les mécontens du parti radical, les habiles du parti démocrate et les ennemis personnels du général Grant, composèrent le noyau de l’opposition nouvelle qui tint ses premières assises à la convention libérale de Cincinnati.

Depuis longtemps, ce nouveau mouvement d’opinion couvait à petit feu dans les états de l’ouest, surtout dans l’état du Missouri, où dès l’année 1870 le sénateur et ex-général Schurz et M. Gratz Brown, le futur candidat à la vice-présidence sur le ticket de Greeley, avaient ouvert une campagne en faveur d’une réconciliation avec les états du sud, d’un pardon général accordé aux rebelles, contre les monopoles financiers, pour la réforme du service civil et pour la liberté commerciale. Dans ce temps-là, il ne faut pas l’oublier, le journal d’Horace Greeley, la Tribune, qui a toujours été d’un fougueux protectionisme, (combattait ces novateurs, les accusait de désorganiser le parti républicain et de le livrer aux démocrates ; quant aux doctrines libre-échangistes, il assurait