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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/648

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collections, sans qu’aucun changement d’ailleurs fût apporté aux règlemens actuels » de cette Bibliothèque qu’ils avaient seuls la mission d’administrer. Se renfermant dans leur rôle de gardiens, ils ne voulaient pas plus compromettre, en l’abandonnant, le dépôt confié à leurs mains qu’ils n’entendaient le conserver à un autre titre que celui dont ils avaient été légalement revêtus. Un moment vint pourtant où le statu quo qu’ils avaient jusqu’alors réussi à maintenir ne put être plus longtemps continué. Déjà le refus fait par eux de recevoir leur traitement, dès qu’il leur était offert au nom de la commune, avait failli amener leur destitution immédiate, et l’on n’avait consenti à les laisser à leur poste que pour un court délai au terme duquel ils devaient se prononcer de nouveau, et cette fois irrévocablement ; ce qu’on prétendit quelques jours plus tard exiger d’eux était plus inacceptable encore. Sommés de se soumettre officiellement au gouvernement de la commune en lui reconnaissant le droit de disposer de la Bibliothèque et d’en régenter le personnel, ils répondirent aussitôt à l’injonction comme il convenait d’y répondre. Aux termes d’une protestation signée le 12 mai, vingt-six fonctionnaires ou employés des divers départemens, « mis en demeure de souscrire à la transformation du dépôt national confié à leurs soins en établissement communal et de sortir de leurs devoirs professionnels en faisant acte d’adhésion politique à la commune, » déclarèrent « refuser leur adhésion. » Le lendemain, les portes de la Bibliothèque étaient fermées aux signataires de cette déclaration, et l’établissement tout entier se trouva ainsi pendant les deux semaines qui suivirent à peu près abandonné à lui-même.

Au département des estampes, il est vrai, le dévoûment d’un employé auxiliaire qui, afin de défendre le terrain contre des occupans de hasard, avait consenti à rester en s’abstenant de signer la pièce dont nous venons de parler, — cette intervention d’un seul put suffire pour maintenir quelque chose de l’ordre accoutumé et pour empêcher toute tentative de désorganisation intérieure ; mais quels efforts auraient pu conjurer les fléaux du dehors, prévenir ou arrêter des désastres pareils à ceux qui venaient de semer l’horreur sur les deux rives de la Seine ? Lorsque l’incendie de la bibliothèque du Louvre eut présagé le sort réservé sans doute à la Bibliothèque nationale, lorsque, d’un bout à l’autre de la ville, tant de murs vénérables par eux-mêmes ou par ce qu’ils contenaient eurent été réduits en cendres, il ne restait plus en apparence qu’à attendre pour ce glorieux asile des lettres, de la science et de l’art, l’heure prochaine où le pétrole en aurait raison à son tour.

Cette heure cruelle ne vint pas pourtant, grâce à la rapidité avec